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ISO 690 Phan, O., Burnier, M., Calcifications vasculaires et déficit en vitamine K : un facteur de risque modifiable dans l’insuffisance rénale chronique, Rev Med Suisse, 2013/375 (Vol.9), p. 451–455. DOI: 10.53738/REVMED.2013.9.375.0451 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2013/revue-medicale-suisse-375/calcifications-vasculaires-et-deficit-en-vitamine-k-un-facteur-de-risque-modifiable-dans-l-insuffisance-renale-chronique
MLA Phan, O., et al. Calcifications vasculaires et déficit en vitamine K : un facteur de risque modifiable dans l’insuffisance rénale chronique, Rev Med Suisse, Vol. 9, no. 375, 2013, pp. 451–455.
APA Phan, O., Burnier, M. (2013), Calcifications vasculaires et déficit en vitamine K : un facteur de risque modifiable dans l’insuffisance rénale chronique, Rev Med Suisse, 9, no. 375, 451–455. https://doi.org/10.53738/REVMED.2013.9.375.0451
NLM Phan, O., et al.Calcifications vasculaires et déficit en vitamine K : un facteur de risque modifiable dans l’insuffisance rénale chronique. Rev Med Suisse. 2013; 9 (375): 451–455.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2013.9.375.0451
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Articles thématiques : Néphrologie
27 février 2013

Calcifications vasculaires et déficit en vitamine K : un facteur de risque modifiable dans l’insuffisance rénale chronique

DOI: 10.53738/REVMED.2013.9.375.0451

Vascular calcifications and vitamin K deficiency: a modifiable risk factor in chronic kidney disease

The mechanisms of vascular calcifications in chronic renal failure are complex. Apart for clotting factors, vitamin K-dependent proteins include matrix Gla protein. Glutamic acid residues in matrix Gla protein are carboxylated by vitamin K-dependent gamma-carboxylase, which enables it to inhibit calcification. The purpose of this review is to discuss available evidence implicating vitamin K as a modifiable risk factor in the pathogenesis of vascular calcification in renal diseases.

Résumé

Les mécanismes de calcifications vasculaires dans l’insuffisance rénale chronique sont complexes. Hormis les facteurs de coagulation, la vitamine K intervient dans le fonctionnement de la matrix Gla protein. Les résidus d’acide glutamique de la Gla protein sont carboxylés par une gamma-carboxylase sous la dépendance de la vitamine K, permettant ainsi d’inhiber la calcification. Le but de cette revue est de discuter les données disponibles impliquant la vitamine K dans la pathogenèse de la calcification vasculaire et comment la vitamine K pourrait être considérée comme un facteur de risque modifiable de la calcification vasculaire.

Introduction

L’incidence des maladies cardio-vasculaires jouit d’un examen attentif de la part des services de santé publique. Les conséquences d’une calcification cardio-vasculaire représentent une part prépondérante de l’activité clinique des praticiens en cabinet. Les recommandations concernant la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaires comme le traitement des dyslipidémies, de l’hypertension artérielle, la prévention de l’insuffisance rénale chronique (IRC) sont largement répercutées au sein de la communauté médicale. Dans cet article, nous examinerons le rôle émergent de la vitamine K (Vit K) dans la régulation des processus de calcifications vasculaires et comment, dans notre pratique clinique, les antivitamines K pourraient aggraver la progression des calcifications vasculaires et plus particulièrement en cas d’IRC.

Rappel

La progression des calcifications vasculaires est aggravée par des facteurs de risque traditionnels comme le diabète. Dans l’IRC s’ajoutent aussi des facteurs non traditionnels spécifiques à l’IRC : hyperphosphatémie, hyperpathyroïdisme secondaire, hypercalcémie sous vitamine D, augmentation du produit phosphocalcique, micro-inflammation et stress oxydatif. Cette progression se traduit par une morbi-mortalité cardio-vasculaire significativement plus importante chez les insuffisants rénaux et en particulier chez les patients dialysés. Le terme de calcifications vasculaires recoupe deux processus : celui de la calcification de la plaque athérosclérotique de l’intima du vaisseau et celui de la calcification de la média. Les lésions d’athérosclérose sont associées le plus souvent à une dyslipidémie. Les calcifications de la média sont plus souvent retrouvées en cas d’IRC ; néanmoins, la distinction entre ces deux entités est souvent difficile. Le processus de calcification artérielle est contrecarré par des inhibiteurs de la calcification présents dans le sérum comme la matrix Gla protein (MGP)1 ou la fétuine A.2

La MGP est produite par les cellules musculaires lisses des artères et agit localement au niveau du lit vasculaire. La MGP est l’un des plus puissants inhibiteurs de la calcification vasculaire.3 Lors d’un processus de calcification, les cellules musculaires lisses des vaisseaux modifient leur phénotype pour acquérir des caractéristiques proches d’une cellule osseuse de type ostéoblaste sous l’action de protéines appelées bone morphogenetic protein (BMP). La MGP agit en empêchant l’interaction de la BMP avec son récepteur et de ce fait, inhibe la calcification. Quel rôle joue la Vit K auprès de cette MGP ?

Tout d’abord, il existe plusieurs types de Vit K. Elles forment un groupe de vitamines liposolubles requises pour les modifications post-traductionnelles de certaines protéines intervenant dans la coagulation sanguine ainsi que dans le métabolisme osseux. Trois formes de Vit K sont présentes et se distinguent par la nature de la chaîne carbonée attachée à la quinone : la Vit K1 (ou phylloquinone), uniquement synthétisée par les plantes, la Vit K2 ou ménaquinone, synthétisée par les bactéries de la flore intestinale et la Vit K3 ou ménadione, qui est une forme synthétique de précurseur de la vitamine K active.4

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Sur le plan physiologique, la Vit K joue un rôle fondamental dans la coagulation sanguine en intervenant dans la maturation de différents facteurs de la coagulation comme les facteurs II, VII, IX, X. Les Vit K1 et K2 sont requises afin de permettre le fonctionnement optimal de plusieurs types de protéines comme les protéines C, S et en particulier la MGP. Les résidus d’acide glutamique de ces protéines sont carboxylés par une gamma carboxylase sous la dépendance de la concentration plasmatique de Vit K (figure 1). Aussi, une diminution de la carboxylation de cette MGP par un déficit en Vit K ou un traitement d’antivitamine K pourrait être à l’origine d’une aggravation d’un processus de calcification.5 Shurgers et coll. ont démontré qu’une carboxylation inadéquate de la MGP est associée à une calcification artérielle significative chez l’homme, avec présence d’une forme non carboxylée de MGP au niveau de ces artères alors que sur des artères saines, seule la forme normalement carboxylée est retrouvée, sans présence de forme non carboxylée. Cette MGP a pour rôle d’inhiber les processus de calcification. Les dérivés coumariniques, antagonistes de la Vit K, empêchent partiellement ce processus et sont associés à un risque accru de calcifications vasculaires dans plusieurs études chez l’animal et l’homme.6-9

Figure 1

La vitamine K (Vit K) joue un rôle fondamental dans le fonctionnement optimal de plusieurs types de protéines comme les protéines C, S et en particulier la matrix-Gla protein (MGP)

Lorsque des rats sont traités par des dérivés coumariniques au long cours, l’examen histopathologique des artères de ces animaux révèle la présence d’une calcification artérielle étendue. Lorsque des souris sont invalidées pour le gène codant la MGP, leur survie est extrêmement réduite sans excéder huit semaines ; l’examen post-mortem de ces animaux met en évidence des processus étendus de dissection au sein d’aortes totalement calcifiées.10 A l’inverse, ce processus de calcification peut être prévenu et, dans certains cas, renversé par un régime riche en Vit K.11

Plusieurs études cliniques suggèrent également une forte association entre les dérivés coumariniques et la présence de calcifications vasculaires et valvulaires. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’études rétrospectives avec des collectifs très variables. Dans une étude observationnelle de 86 patients, Koos et coll. ont quantifié par scanner spiralé le degré de calcifications valvulaires et coronariennes (durée d’anticoagulation moyenne de 88 mois) par rapport à des patients sans anticoagulation orale.12 Le score de calcification au niveau des artères coronaires et des valves cardiaques était deux fois plus important chez les patients recevant une anticoagulation au long cours après ajustement pour les comorbidités. Dans une étude de cohorte rétrospective chez des patients hémodialysés, une association positive a été mise en évidence entre la durée d’exposition à une anticoagulation orale et la sévérité du score de calcification.13 De même, plusieurs études ont bien mis en évidence qu’un traitement coumarinique entraînait également un risque substantiel de développer une calciphylaxie (médiacalcinose des artères provoquant une nécrose tissulaire) chez les patients dialysés.14 Dans le même contexte, les résultats d’un registre national japonais sur la calciphylaxie ont mesuré un risque relatif de 10 pour l’utilisation de dérivés coumariniques et le développement d’une calciphylaxie.15

Nutrition et vitamine K

Les recommandations nutritionnelles en Vit K sont estimées à 1 μg/kg/jour. Cette dose moyenne est suffisante pour assurer les fonctions de coagulation de notre organisme, mais la dose requise pour assurer la carboxylation de protéines comme la MGP n’est pas définie. Récemment, un déficit en Vit K1 et K2 a été mis en évidence chez les patients hémodialysés.16 La Vit K1, qui participe à la coagulation, est apportée par l’alimentation, en particulier par les légumes verts (brocoli, chou, épinard, laitue), l’huile de soja et l’orvale (sauge sclarée).

Une grande partie des apports externes en Vit K2 provient des bactéries qui assurent la fermentation des aliments, comme les fromages et la choucroute. Cette vitamine est présente aussi dans le foie, le lait, le yogourt et les œufs de poisson. Cranenburg et coll. ont bien montré, dans un collectif de 40 patients, qu’en raison d’un déficit nutritionnel chronique, les patients en dialyse ont un apport en Vit K global plus faible par rapport à des individus en bonne santé.17 Ce déficit est associé à une proportion de MGP non carboxylée significativement plus importante.

Qu’en est-il chez les patients transplantés ? Dans une étude de cohorte de 60 patients, avec une fonction rénale stable, en moyenne à 61 ml/min, six ans après transplantation rénale, les apports de Vit K totaux par rapport aux besoins requis n’étaient retrouvés que chez 50% des patients. Une faible consommation de Vit K était associée à une faible consommation de légumes verts et une augmentation de la forme décarboxylée (non active) de la MGP.18

Quels messages pour notre pratique ?

Les différentes études suggèrent une association entre le développement de calcifications artérielles et la prescription d’antivitamine K en rapport avec une carboxylation inadéquate de la MGP. Les dérivés coumariniques sont largement utilisés pour des pathologies fréquentes comme la fibrillation auriculaire chronique ou le traitement et la prévention des accidents thromboemboliques. Les dérivés coumariniques exposent principalement au risque hémorragique, parfois fatal. Ce risque hémorragique est augmenté en cas d’IRC avancée en raison principalement d’une dysfonction plaquettaire liée à l’urémie et à une augmentation du temps de saignement. En hémodialyse, du fait de l’âge et des comorbidités, le risque de chute est plus fréquent que dans la population générale, avec un risque hémorragique surajouté en cas de traumatisme. Les recommandations pour un traitement anticoagulant s’appuient sur de larges études, en général avec des patients sans insuffisance rénale (CHA(2)DS(2)-VASc score).19 Ces recommandations ont été ensuite extrapolées aux patients avec une IRC avancée ou en dialyse, sans étude prospective randomisée pour cette population.

Actuellement, de nouveaux anticoagulants, les inhibiteurs directs de la thrombine, représentent une alternative intéressante aux dérivés coumariniques pour la population générale. Récemment, Connolly et coll. ont montré, chez les patients atteints de fibrillation auriculaire à risque élevé d’AVC, que l’apixaban, par rapport à l’aspirine, réduit le risque d’accident vasculaire cérébral, sans augmentation significative du risque de saignement majeur ou d’hémorragie intracrânienne.20 L’apixaban est un inhibiteur compétitif direct du facteur Xa, dont 25% sont excrétés par les reins. La structure moléculaire de ces nouveaux anticoagulants n’entraîne pas d’interaction avec la carboxylation de la Vit K et pourrait offrir une alternative aux antivitamines K. Pour l’instant, ces nouveaux inhibiteurs directs de la thrombine ne sont pas approuvés en cas d’IRC avancée. Dans des cas d’IRC modérée (stade 3 d’IRC à une clairance de la créatinine supérieure à 50 ml/min), une autre étude avec le rivaroxaban a étudié un collectif de 1500 patients et le devenir de ces derniers en termes de prévention d’AVC en comparaison avec l’acénocoumarol en cas de fibrillation auriculaire chronique. Cette étude n’a pas montré de différence entre ces deux molécules. Néanmoins, le nombre de décès par hémorragie sous acénocoumarol était plus élevé.21

Comme le niveau de MGP inactive (MGP non carboxylée) est plus important chez les patients dialysés que dans la population générale, et qu’un faible taux de MGP semble prédire un surcroît de mortalité, Westenfeld et coll. ont entrepris avec succès une supplémentation en Vit K chez ces patients, permettant une réduction du taux circulant de MGP non carboxylée.22 Une étude randomisée, la Vita VasK trial, est actuellement en cours afin d’évaluer si une supplémentation en Vit K2 en hémodialyse pourrait retarder la progression des calcifications vasculaires.

Conclusion

La Vit K est essentielle pour l’activation de la MGP, un des inhibiteurs principaux de la calcification vasculaire. Les dérivés coumariniques, largement utilisés comme traitement antithromboembolique, pourraient augmenter le risque de calcifications artérielles, valvulaires et le risque de calciphylaxie en diminuant le taux de MGP active, carboxylée dans le sérum. L’utilisation judicieuse des dérivés coumariniques, le respect des intervalles thérapeutiques d’INR, de la durée d’anticoagulation sans dépassement excessif, une diète adéquate en Vit K2 pourraient constituer des éléments favorables pour mieux contrôler le processus de calcification, en particulier dans une population à risque comme les patients en insuffisance rénale avancée.

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec cet article.

Implications pratiques

> Il existe une association entre le développement de calcifications artérielles et la prescription d’antivitamine K

> Les nouveaux inhibiteurs directs de la thrombine représentent une alternative intéressante aux dérivés coumariniques pour la population générale. Pour l’instant, ils ne sont pas approuvés en cas d’insuffisance rénale chronique avancée

> Une étude randomisée, la Vita VasK trial, est actuellement en cours afin d’évaluer si une supplémentation en vit K2 en hémodialyse pourrait retarder la progression des calcifications vasculaires

Auteurs

Olivier Phan

Service de néphrologie et d’hypertension, Département de médecine, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
olivier.phan@chuv.ch

Michel Burnier

Policlinique médicale universitaire
Rue César Roux 19 1005 Lausanne

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