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ISO 690 Dumoulin, A., Mycoplasma pneumoniae : connaissances actuelleset nouveaux défis, Rev Med Suisse, 2016/534 (Vol.12), p. 1694–1697. DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.534.1694 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-534/mycoplasma-pneumoniae-connaissances-actuelleset-nouveaux-defis
MLA Dumoulin, A. Mycoplasma pneumoniae : connaissances actuelleset nouveaux défis, Rev Med Suisse, Vol. 12, no. 534, 2016, pp. 1694–1697.
APA Dumoulin, A. (2016), Mycoplasma pneumoniae : connaissances actuelleset nouveaux défis, Rev Med Suisse, 12, no. 534, 1694–1697. https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.534.1694
NLM Dumoulin, A.Mycoplasma pneumoniae : connaissances actuelleset nouveaux défis. Rev Med Suisse. 2016; 12 (534): 1694–1697.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.534.1694
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maladies infectieuses
12 octobre 2016

Mycoplasma pneumoniae : connaissances actuelleset nouveaux défis

DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.534.1694

Mycoplasma pneumoniae is a frequent cause of community acquired pneumonia, especially in children. Discovered by Eaton in the 1940s, it has long been considered as a virus, in part because of its difficult growth in cultures. M. pneumoniae can cause many complications, some of which are severe such as dermatological lesions or affections of the central nervous system. The laboratory diagnosis of M. pneumoniae is difficult, notably because of the fastidious growth conditions, the persistence of IgM antibody after acute infection and the debated existence of asymptomatic carriers. In recent years, the spread of mutants resistant to macrolides caused an additional challenge linked to this pathogen.

Résumé

Mycoplasma pneumoniae est une cause fréquente de pneumonie communautaire, principalement chez l’enfant. Découvert par Eaton dans les années quarante, ce microorganisme a longtemps été considéré comme un virus, notamment de par la difficulté de le cultiver. M. pneumoniae peut causer de nombreuses complications, certaines graves, telles que des lésions dermatologiques et des atteintes du système nerveux central. Le diagnostic microbiologique est rendu difficile par des conditions de culture fastidieuses, la persistance des anticorps IgM après l’infection aiguë et l’existence de porteurs asymptomatiques actuellement débattue. Ces dernières années, la propagation de mutants résistant aux macrolides pose un défi supplémentaire lié à ce pathogène.

Introduction

Mycoplasma pneumoniae cause fréquemment des pneumonies d’origine communautaire, touchant principalement les enfants et les adolescents. Ses caractéristiques microbiologiques le rendent difficilement cultivable en laboratoire et font qu’il occupe une place à part dans les causes de pneumonies dites « atypiques », au côté de Legionella pneumophila et de Chlamydia pneumoniae. De nombreuses études ont été récemment entreprises pour mieux comprendre ce pathogène, son épidémiologie et les complications qu’il engendre. Elles ont levé un coin du voile sur certaines questions, tout en découvrant de nouveaux problèmes, comme la résistance au traitement standard par macrolide et le portage asymptomatique. Cet article a pour but de passer en revue les aspects principaux des maladies causées par M. pneumoniae et les défis liés à leurs diagnostic et traitement (tableau 1).

Tableau 1

Mycoplasma pneumoniae : l’essentiel en bref

Historique

Dans les années 1930 et 1940, plusieurs investigateurs décrivaient des pleuropneumonies de cause inconnue. Le microbiologiste Monroe Davis Eaton démontra que des prélèvements respiratoires de patients atteints par cette forme de pneumonie pouvaient causer des symptômes similaires chez des rats sigmodons. Il détermina la taille de l’agent infectieux entre 180 et 250 µm et réussit à cultiver l’agent infectieux in vitro sur des embryons de poulet. Il constata également que le sérum de patients guéris neutralisait ces microbes. Dénommé depuis lors « Eaton agent », ce pathogène, qui ne pouvait pas être cultivé dans des milieux ne contenant pas de cellules animales, fut longtemps considéré comme un virus. Cependant, dans les années 1950 et 1960, Eaton et d’autres scientifiques purent démontrer que le futur M. pneumoniae était sensible à l’auréomycine (une tétracycline) et qu’on pouvait le cultiver dans un milieu acellulaire. Ces preuves amenèrent à terme à la reconnaissance de l’agent d’Eaton en tant que bactérie de la famille des mycoplasmes.1

Microbiologie

Les mycoplasmes comptent parmi les plus petites bactéries connues, tant par la taille de leur cellule (0,1 x 1 µm environ pour M. pneumoniae contre 1 x 5 µm pour Escherichia coli) que par celle de leur génome (environ 0,8 mégabase et 687 gènes contre 4,6 mégabases et 4300 gènes pour E. coli). Ils sont dépourvus de paroi cellulaire, ce qui rend les traitements par bêtalactamine inefficaces et la coloration de Gram impossible. A ce jour, une centaine d’espèces ont été isolées à partir de prélèvements humains et de différentes espèces animales. La pathogénicité de Mycoplasma pneumoniae et son rôle étiologique, principalement dans des affections respiratoires, ont été clairement démontrés, notamment par des expériences sur des volontaires dans les années 40 et 60.1 La pathogénicité de M. pneumoniae repose notamment sur la production de peroxyde et peut-être d’une protéine similaire à la toxine pertussique récemment découverte.2,3

Transmission

Si une transmission de M. pneumoniae par aérosol (particules < 5 µm, pouvant rester en suspension dans l’air) a été démontrée en laboratoire, c’est probablement par des gouttelettes (particules > 5 µm ne parcourant pas plus d’un à 2 mètres dans l’air) que la transmission a lieu lors d’épidémies dans la population. En effet, l’infectiosité de M. pneumoniae semble relativement faible et des contacts proches sont nécessaires pour qu’une transmission ait lieu, typiquement au sein d’une famille, dans des écoles ou des camps militaires.2 Les épidémies se répètent avec une périodicité de 3 à 5 ans et plusieurs sous-types circulent en même temps, ce qui semble exclure une origine unique à ces résurgences.2 Il existe deux types principaux de M. pneumoniae, dénommés 1 et 2, différant dans la structure génique de l’adhésine P1. L’alternance de ces deux types lors des périodes épidémiques a été démontrée au Japon, avec cependant des périodes intermédiaires où les deux types pouvaient être détectés dans la population.4 Une cocirculation des deux types entre 2003 et 2012 a été également constatée dans la Saxe allemande.5 Certains auteurs ont suggéré que des facteurs environnementaux climatiques pourraient causer ces épidémies.2

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En Suisse, la prévalence de ce pathogène n’appartenant pas à la liste des maladies à déclaration obligatoire est difficile à estimer. Une étude zurichoise effectuée entre janvier 2011 et décembre 2013 a détecté M. pneumoniae chez 20,7 % de 241 patients pédiatriques atteints de pneumonie communautaire.6

Clinique

Atteintes respiratoires

M. pneumoniae cause le plus souvent des infections des voies respiratoires hautes ou basses. Les symptômes, qui incluent fièvre, toux généralement sèche, maux de gorge et maux de tête, se développent graduellement et peuvent durer plusieurs semaines.2 Cliniquement, rien ne permet de distinguer de façon sûre les infections causées par M. pneumoniae de celles causées par d’autres pathogènes tels que les virus respiratoires ou d’autres bactéries telles que S. pneumoniae.2,3 Les enfants en âge scolaire sont les plus fréquemment touchés, mais des cas chez les adultes ne sont pas rares, bien que souvent moins graves.2,3 L’association de M. pneumoniae avec l’asthme chronique a été démontrée dans plusieurs études où ce pathogène était plus fréquemment détecté chez les patients asthmatiques que dans les groupes de contrôle. De plus, M. pneumoniae semble également jouer un rôle dans l’exacerbation de l’asthme aigu.7

Atteintes dermatologiques

Des éruptions maculopapulaires, vésiculaires ou érythémateuses sont fréquentes lors d’infections à M. pneumoniae.8,9 Elles sont généralement bénignes et se résorbent sans complications. Cependant, des présentations graves, apparentées au syndrome Stevens-Johnson peuvent survenir, principalement chez les enfants. Contrairement au syndrome de Stevens-Johnson classique, les lésions associées à M. pneumoniae se limitent essentiellement aux muqueuses, avec peu ou pas d’atteinte cutanée.10 Si l’association avec M. pneumoniae ne semble pas faire de doute, le mécanisme pathogénique exact doit encore être étudié plus précisément. Un phénomène inflammatoire paraît toutefois en partie responsable.10

Atteintes neurologiques

Les complications neurologiques comptent parmi les plus fréquentes suite à une infection à M. pneumoniae. Elles sont généralement précédées de 2 à 14 jours par une atteinte respiratoire.2 Les présentations cliniques sont diverses et incluent des méningites, des encéphalites, des atteintes des nerfs craniens (y compris optiques), des états confusionnels ou des psychoses.2,9 Ces complications touchent 1 à 10 % des cas hospitalisés, et moins de 0,1 % de l’ensemble des cas.8 Des atteintes du système nerveux périphérique se manifestant par un syndrome de Guillain-Barré ont aussi été décrites.2 Ces complications neurologiques peuvent causer des séquelles durables ou même être fatales, principalement chez les enfants atteints d’encéphalites.11 L’ADN de M. pneumoniae n’est détectable par PCR dans le liquide céphalorachidien que dans une minorité de cas, ce qui renforce l’hypothèse que ces atteintes neurologiques sont dues à des facteurs immunologiques et inflammatoires.6

Diagnostic de Laboratoire

La culture de M. pneumoniae étant très difficile et réservée aux laboratoires de recherche, la stratégie classique pour le diagnostic des pneumonies à M. pneumoniae repose sur la PCR dans des prélèvements respiratoires ou sur la détection d’anticorps sériques spécifiques. Cependant, cette approche a été remise en question par plusieurs études récentes indiquant que le portage asymptomatique de M. pneumoniae est plus fréquent qu’estimé jusqu’ici, avec des taux atteignant plus de 50 %.12 Une étude néerlandaise a démontré que ni un titre sérologique élevé, ni la détection d’IgM, ni même la détection par PCR ne différaient entre un groupe d’enfants avec des symptômes de pneumonie et un groupe d’enfants hospitalisés pour d’autres raisons.12 De plus, la présence d’IgM dans cette étude n’indiquait pas forcément une infection récente. Cependant, ces résultats sont contredits par d’autres études où le taux de portage chez des sujets asymptomatiques n’était pas aussi important,13 voire nul.14 Ces résultats contradictoires pourraient s’expliquer en partie par le contexte épidémiologique dans lequel ces études ont été effectuées. En effet, il est plausible qu’une certaine proportion de personnes infectées ne développe pas ou peu de symptômes lors d’une épidémie. Des porteurs asymptomatiques pourraient constituer un réservoir pour M. pneumoniae et jouer un rôle dans sa dissémination.

La détection d’ADN par PCR peut persister plusieurs mois après la résolution des symptômes, ce qui constitue un problème additionnel pour le diagnostic. Cette persistance de matériel génétique peut correspondre à la détection de bactéries mortes, mais il est possible qu’elle reflète la survie de mycoplasmes vivants, éventuellement résistant aux antibiotiques.15 Une PCR positive pour M. pneumoniae n’exclut dès lors pas nécessairement la présence d’un autre microorganisme responsable d’un tableau clinique semblable. Par contre, une PCR négative permet en principe d’exclure avec une haute probabilité une infection à M. pneumoniae. Ceci pour autant toutefois que le prélèvement soit de bonne qualité (frottis nasopharyngé, frottis de gorge ou expectoration profonde).

Les méthodes sérologiques jouent encore un rôle important dans le diagnostic des infections causées par M. pneumoniae. Cependant, comme mentionné plus haut, la présence d’IgM n’est pas toujours une indication d’infection récente.3,12 Une augmentation du taux d’anticorps (IgG ou Ig totales) de quatre fois ou plus entre deux prélèvements distants de deux à trois semaines au minimum est considérée comme une des seules preuves définitives d’infection récente. Mais ce délai rend cette approche peu utile pour la prise en charge clinique.3

En pratique ambulatoire, le diagnostic de pneumonie repose en premier lieu sur l’auscultation pulmonaire et, secondairement, sur la radiographie du thorax et les marqueurs inflammatoires biologiques.16,17 Un diagnostic microbiologique n’est généralement pas nécessaire, sauf pour des patients avec des comorbidités graves ou immunodéprimés.16 En conséquence, le traitement est généralement empirique, ciblant les causes les plus fréquentes des pneumonies communautaires notamment les pneumocoques. Dans des cas particuliers, par exemple lors d’épidémie ou lors d’une hospitalisation, une recherche ciblée de M. pneumoniae par PCR peut toutefois être indiquée.

Traitement et résistance

M. pneumoniae étant dépourvu de paroi cellulaire, il est intrinsèquement résistant aux bêtalactamines, classe d’antibiotiques qui constitue la base du traitement de la pneumonie communautaire, souvent due au pneumocoque. D’autres classes d’antibiotiques sont donc recommandées, principalement les macrolides. Les tétracyclines ou les fluoroquinolones constituent des alternatives, mais leur utilisation est contre-indiquée chez les enfants, surtout les tétracyclines. Bien que prouvée in vitro, l’efficacité clinique des macrolides n’a fait l’objet que de peu d’études qui ne permettent pas encore de tirer de conclusions généralisables. Ce traitement semble néanmoins efficace chez les enfants atteints d’infection des voies respiratoires basses.18

Les macrolides inhibent la synthèse des protéines et ciblent des sites spécifiques sur les ribosomes. Des mutations dans le gène codant l’ARN ribosomique 23S sont connues pour causer des résistances à cette classe d’antibiotiques. La résistance peut apparaître en cours de traitement d’une infection à M. pneumoniae et une souche résistante peut se transmettre entre personnes.15,19 La proportion de M. pneumoniae résistant aux macrolides varie selon les régions. Une étude suisse récente a détecté 1/50 isolats avec une mutation causant cette résistance, soit un taux de 2 %.6 Différentes études européennes rapportent des taux de 0 % (Pays-Bas) à 26 % (Italie). En Asie, les taux de résistance aux macrolides atteignent 87 % au Japon et 97 % en Chine.3 Ceci est probablement lié à une surutilisation des macrolides.

Conclusion

Bien qu’étant une cause fréquente de pneumonie communautaire, M. pneumoniae reste à bien des égards un défi pour les cliniciens et les microbiologistes, que ce soit pour son diagnostic, son traitement ou la compréhension de son épidémiologie. De nouvelles études seront nécessaires pour résoudre les nombreuses questions encore ouvertes qui touchent ce pathogène très particulier.

Conflit d’intérêts  :

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

M. pneumoniae est une cause fréquente d’affection respiratoire non seulement chez l’enfant mais aussi chez l’adulte

▪ Des complications dermatologiques et neurologiques graves sont possibles suite à une infection à M. pneumoniae

▪ Le diagnostic par PCR est compliqué par la persistance du microorganisme pendant plusieurs semaines après la résolution des symptômes et par l’existence potentielle de porteurs asymptomatiques

▪ La présence d’IgM n’indique pas forcément une infection récente ; seule l’augmentation de quatre titres du taux d’anticorps entre deux sérums prouve l’infection récente

▪ La résistance aux macrolides est encore rare en Suisse, mais peut être très fréquente dans d’autres pays du monde, notamment en Asie

Auteurs

Alexis Dumoulin

Service des maladies infectieuses, Institut central des hôpitaux, Hôpital du Valais
1950 Sion
alexis.dumoulin@hopitalvs.ch

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