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ISO 690 Foguena, A., K., Cometta, A., Senn, L., Lutte contre les infections nosocomiales et les résistances bactériennes : quelques conseils de bonne pratique, Rev Med Suisse, 2016/540 (Vol.12), p. 2026–2032. DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.540.2026 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-540/lutte-contre-les-infections-nosocomiales-et-les-resistances-bacteriennes-quelques-conseils-de-bonne-pratique
MLA Foguena, A., K., et al. Lutte contre les infections nosocomiales et les résistances bactériennes : quelques conseils de bonne pratique, Rev Med Suisse, Vol. 12, no. 540, 2016, pp. 2026–2032.
APA Foguena, A., K., Cometta, A., Senn, L. (2016), Lutte contre les infections nosocomiales et les résistances bactériennes : quelques conseils de bonne pratique, Rev Med Suisse, 12, no. 540, 2026–2032. https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.540.2026
NLM Foguena, A., K., et al.Lutte contre les infections nosocomiales et les résistances bactériennes : quelques conseils de bonne pratique. Rev Med Suisse. 2016; 12 (540): 2026–2032.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.540.2026
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médecine interne générale
23 novembre 2016

Lutte contre les infections nosocomiales et les résistances bactériennes : quelques conseils de bonne pratique

DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.540.2026

Despite improvement of infection control measures during the last 20 years, incidence of health care associated infections (HAI) remains high. HAI, also known as nosocomial infections, are mainly due to susceptible bacteria. However, resistant bacteria are responsible for some of them. In Switzerland, methicillin resistant Staphylococcus aureus incidence is decreasing but enterobacteriaceae producing extended spectrum beta-lactamase are increasing. In addition, emerging resistance challenges such as vancomycin-resistant enterococci or carbapenemase-producing bacteria were observed occasionally during recent years. Physicians in charge of hospitalized patients should know and apply good practice measures to prevent HAI and reduce the emergence and spread of multidrug resistant bacteria.

Résumé

Malgré l’amélioration des mesures de contrôle de l’infection ces vingt dernières années, l’incidence des infections associées aux soins (IAS) reste importante. Les IAS, aussi appelées infections nosocomiales, sont en majorité dues à des germes sensibles aux antibiotiques, mais parfois des germes résistants sont en cause. Si, en Suisse, les staphylocoques dorés résistant à la méticilline sont en baisse, les entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu sont à la hausse. De plus, des problématiques émergentes telles que les entérocoques résistant à la vancomycine ou les bactéries productrices de carbapénémases ont été notées sporadiquement ces dernières années. Les médecins doivent connaître et appliquer les mesures de prévention des IAS, et celles visant à limiter l’émergence et la dissémination des résistances bactériennes.

Introduction

On estime qu’en Suisse 70 000 personnes contractent chaque année une infection associée aux soins (IAS) et qu’environ 2000 en meurent.1 L’hôpital héberge des patients affaiblis, souffrant souvent de plusieurs comorbidités associées à une diminution des défenses immunitaires, et prodigue une multitude de soins invasifs, nécessaires à la prise en charge de ces patients (cathéters intravasculaires, sondes urinaires, interventions chirurgicales, drains, etc.) qui sont des facteurs de risque pour le développement d’IAS. Les IAS les plus courantes chez les patients non exposés à la chirurgie sont les infections urinaires et respiratoires, ainsi que les bactériémies dont certaines sont associées à une infection de cathéter.2 Celles-ci peuvent être aussi bien d’origine endogène – la propre flore du patient est à l’origine de l’infection, qu’exogène – le pathogène provient d’autres patients, du personnel ou de l’environnement hospitalier. De plus, l’utilisation fréquente d’antibiotiques exerce une pression de sélection sur la flore des patients et l’environnement hospitalier, favorisant la sélection de bactéries résistantes. Nous proposons de faire le point sur des concepts que tout médecin au contact de patients, plus particulièrement en milieu hospitalier, devrait appliquer au quotidien pour participer à la lutte contre les IAS et la dissémination des résistances bactériennes.

Prévention des risques infectieux liés aux cathéters veineux

Vignette clinique n° 1

Un patient de 83 ans avec une démence débutante et des troubles de la marche est hospitalisé dans votre service pour une pneumonie communautaire, traitée par un antibiotique administré par voie intraveineuse pendant 48 heures. L’évolution clinique est favorable au 3e jour et le traitement antibiotique est actuellement donné par voie orale. Il est en attente d’un transfert en centre de traitement et de réhabilitation (CTR).

Question 1 : que faut-il faire du cathéter intraveineux ?

Question 2 : quelles sont les différentes complications possibles liées aux accès veineux ?

Indications à la pose

A l’admission ou durant le séjour hospitalier, les patients nécessitent fréquemment la mise en place d’accès veineux périphériques ou centraux pour l’administration de médicaments, de solutés de remplissage, et pour les prélèvements sanguins. Les complications locales et systémiques, associées aux cathéters veineux (phlébites, thromboses, thrombophlébites, infections de cathéter limitées au site d’insertion ou associées à une bactériémie) peuvent concerner jusqu’à 20 % des patients.3,4 Ces complications induisent une importante morbi-mortalité, une prolongation des durées de séjour et une augmentation des coûts hospitaliers. En outre, les accès veineux peuvent être à l’origine d’accidents d’exposition au sang pour les collaborateurs.

La prévention des infections et autres complications liées aux cathéters commence par le choix correct de l’indication à leur mise en place, selon la liste du tableau 1.5

Tableau 1

Indications à la pose d’un cathéter veineux périphérique X Liquides intraveineux

Bonnes pratiques d’utilisation et surveillance

Selon les recommandations américaines pour la prévention des infections associées aux cathéters intraveineux, les cathéters doivent être inspectés quotidiennement lors de la réfection du pansement ou par palpation à travers ce dernier.6 Cette surveillance peut être déléguée aux infirmières, mais les médecins restent responsables de l’indication à la pose et au retrait des cathéters.

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Retrait précoce

La nécessité du maintien d’un cathéter doit être réévaluée quotidiennement lors de la visite médicale. Malgré la recommandation de retirer les cathéters lorsqu’ils ne sont plus utilisés, les études montrent qu’ils sont fréquemment laissés en place plus longtemps que nécessaire. Selon le type de service et la pratique locale, 24 à 100 % des patients hospitalisés sont porteurs d’un cathéter veineux périphérique, alors que 16 % d’entre eux n’ont aucune prescription de médicament ou de fluide intraveineux.3 En considérant la durée totale de séjour, jusqu’à 20 % de jours-cathéters sont inutiles.7

Plusieurs stratégies de réduction du risque de complications liées aux cathéters se sont montrées efficaces, parmi lesquelles la mise en place d’équipes de soignants dédiées à la pose, la formation et l’implication précoce des médecins en formation.8,9

Réponses à la vignette clinique n° 1

Réponse 1 : en l’absence de médicament intraveineux chez un patient stable, il n’y a plus d’indication à laisser en place un cathéter.

Réponse 2 : les complications sont d’ordre vasculaire et infectieux, elles sont décrites ci-dessus.

Indications à mettre en place un isolement

Vignette clinique 2

Vous apprenez qu’un entérocoque résistant à la vancomycine (VRE) a été mis en évidence dans un prélèvement urinaire chez l’une de vos patientes, hospitalisée depuis deux semaines à la suite d’une chute ; en raison d’une décompensation respiratoire, elle doit être transférée aux soins intensifs. Dans la chambre se trouve une autre patiente admise il y a trois jours pour décompensation cardiaque.

Question 1 : quelles mesures de prévention de la transmission de bactéries multirésistantes mettez-vous en place suite à cette information ?

Question 2 : quels sont les différents types de mesures additionnelles et leurs indications empiriques principales ?

Epidémiologie des résistances bactériennes aux antibiotiques

A l’hôpital, l’utilisation fréquente d’antibiotiques exerce une pression de sélection sur la flore des patients et l’environnement hospitalier, favorisant la sélection de bactéries résistantes. En Suisse, des tendances différentes se dessinent chez les bactéries Gram positif et négatif : les taux de résistance à la méticilline du staphylocoque doré (SARM) ont nettement reculé depuis 2004, en particulier en Suisse romande. Chez les entérocoques, les taux de résistance à la vancomycine (VRE) sont restés très bas. En revanche, la résistance aux quinolones et aux céphalosporines de troisième génération croît de façon régulière chez Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. Cette évolution coïncide avec la large distribution des isolats producteurs de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE).10 Même si les entérobactéries et autres bactéries Gram négatif, productrices de carbapénémases, restent actuellement rares en Suisse, elles sont de plus en plus régulièrement mises en évidence chez des patients hospitalisés à l’étranger et rapatriés en Suisse pour suite de soins.

Prévention de la dissémination

La transmission de bactéries multirésistantes (BMR) à d’autres patients doit être prévenue par la mise en place de différentes mesures résumées dans le tableau 2.11,12 Dans certaines situations à haut risque de portage de BMR comme le transfert d’un hôpital étranger ou d’un hôpital suisse en situation épidémique, des dépistages doivent être effectués et des mesures additionnelles empiriques doivent être mises en place dans l’attente des résultats. Le voyage dans le sous-continent indien, une hospitalisation ou des dialyses dans un hôpital à l’étranger durant la dernière année constituent des situations à moindre risque, justifiant des frottis de dépistage, mais pas de mise en place d’isolement préemptif.

Tableau 2

Mesures de prévention de la dissémination de bactéries multirésistantes en milieu hospitalier

Types de mesures additionnelles

Il existe trois types de mesures additionnelles, basées sur le mode de transmission du germe en cause : contact, gouttelettes (particules > 5 microns de diamètre) et aérosol (particules < 5 microns de diamètre) (tableau 3). Les principales BMR (SARM, VRE, BLSE) se transmettent par contact. Les mesures additionnelles s’ajoutent aux Précautions Standards.

Tableau 3

Mesures additionnelles

Indications à la mise en place empirique de mesures additionnelles

Hormis le risque élevé de portage de BMR, d’autres situations nécessitent la mise en place empirique de mesures additionnelles dès la suspicion clinique (tableau 4, adapté des recommandations américaines).13

Tableau 4

Syndromes ou situations cliniques nécessitant la mise en place empirique de mesures additionnelles (MA) en attendant

(toujours en plus des précautions standards).

Durées des mesures additionnelles

L’isolement mis en place empiriquement pourra être levé si le diagnostic suspecté n’est pas confirmé ou après traitement de l’infection. Concernant les patients porteurs de BMR, les mesures additionnelles sont habituellement maintenues durant toute la durée de l’hospitalisation. Dans le cas de séjours prolongés, un dépistage de suivi du portage en l’absence d’antibiothérapie efficace sur la BMR peut être discuté au cas par cas, afin d’évaluer la possibilité de lever les mesures additionnelles et de limiter les effets potentiellement négatifs d’un isolement.14 Pour tout patient porteur de BMR, des dépistages de suivi sont effectués lors de chaque réadmission.

Réponses à la vignette clinique n° 2

Réponse 1 : la patiente porteuse de VRE doit être mise en isolement (mesures additionnelles de contact) en chambre individuelle. Il est capital de prévenir le service des soins intensifs avant son transfert et de s’assurer que les mesures additionnelles seront appliquées. La voisine de chambre est une patiente contact qui doit être dépistée et mise en isolement préemptif (quarantaine) en attendant les résultats du dépistage. Pour un contact VRE, il faut trois dépistages négatifs à J0, 7 et 14 pour exclure le portage.

Réponse 2 : les types de mesures additionnelles et leurs indications empiriques sont mentionnées dans le texte et les tableaux 3 et 4.

Obstacles et facteurs favorisant l’adhésion des médecins aux mesures de prévention des infections

Précautions standards

Chaque professionnel impliqué dans la prise en charge d’un patient doit tout mettre en œuvre pour prévenir le risque d’IAS : cela inclut en particulier le respect des Précautions Standards (désinfection des mains selon les cinq indications préconisées par l’OMS,15 désinfection du matériel de soins et de l’environnement, port de masques, gants et surblouses lorsque indiqués), ainsi que celui de l’asepsie lors de pose et manipulation de sondes urinaires ou cathéters intraveineux. L’examen d’un patient sans une désinfection préalable des mains doit aujourd’hui être considéré comme une faute professionnelle. Même si l’observance de l’hygiène des mains a progressé ces dernières années dans toutes les catégories professionnelles, il persiste un potentiel d’amélioration.

Obstacles

Bon nombre de médecins ont gardé l’habitude de porter des manches longues, une montre au poignet et des bagues, ce qui interfère avec une désinfection adéquate des mains. En outre, la disponibilité des flacons de solution hydro-alcoolique près des lits varie selon les services et les hôpitaux, et peu de médecins ont pris l’habitude de porter sur eux un flacon de poche de solution hydro-alcoolique.

Facteurs favorisants

Parmi les facteurs favorisant l’adhésion aux recommandations, on retrouve classiquement le sentiment de risque perçu par le personnel soignant, qui varie selon le pathogène.16 Par exemple, l’adhésion aux mesures additionnelles sera plus importante en cas d’épidémie de Norovirus que d’infection à Clostridium difficile. Dans le même sens, le rôle des mentors a été démontré dans le taux d’adhésion aux bonnes pratiques dans un service.16,17 Ceux-ci doivent eux-mêmes soutenir ces pratiques et montrer l’exemple. Ainsi, si un médecin cadre garde sa montre durant l’examen clinique des patients et / ou ne se désinfecte pas les mains, la plupart des médecins sous sa responsabilité feront comme lui, indépendamment des recommandations en vigueur dans leur institution.

Les médecins en formation doivent être sensibilisés aux mesures d’hygiène, prévention et contrôle de l’infection (HPCI) et il est recommandé de les impliquer dans des programmes d’amélioration des pratiques.8 Au CHUV, une intervention (vignettes interactives lors de séances de formation continue et coaching des médecins-assistants durant les visites médicales) par un médecin spécialisé en HPCI est en cours et a montré une bonne acceptation.18

Conclusion

La prévention des infections associées aux soins et de la dissémination des résistances bactériennes est un objectif de qualité des soins dans les établissements hospitaliers. Cela nécessite de connaître et d’appliquer au quotidien quelques principes simples pour tous les patients, en particulier l’hygiène des mains, la surveillance et le retrait précoce des cathéters, la mise en place de mesures additionnelles quand cela est indiqué. Ces mesures de prévention doivent être soutenues et suivies par les médecins chefs et les chefs de clinique qui ont un rôle d’enseignement et d’exemplarité auprès des médecins en formation. Il est en outre important de sensibiliser les nouveaux médecins aux différentes mesures de prévention lors de journées d’intégration ou colloques de formation continue. Les équipes HPCI sont à disposition pour accompagner les unités cliniques dans la mise en place des mesures de prévention.

Auteurs

Alain Kenfak Foguena

Service de médecine interne
CHUV, 1011 Lausanne
alain.kenfak-foguena@chuv.ch

Service de médecine préventive hospitalière
CHUV, 1011 Lausanne

Alain Cometta

Service des maladies infectieuses Département de médecine interne
CHUV 1011 Lausanne

Laurence Senn

Unité hygiène, prévention et contrôle de l’infection, Service des maladies infectieuses, Département de médecine, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
laurence.senn@chuv.ch

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