Sommaire du numéro
ISO 690 Burquier, V., D., G., Coûts de la santé : et si j’y pouvais (un peu) quelque chose ?, Rev Med Suisse, 2018/597 (Vol.14), p. 543–544. DOI: 10.53738/REVMED.2018.14.597.0543 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2018/revue-medicale-suisse-597/couts-de-la-sante-et-si-j-y-pouvais-un-peu-quelque-chose
MLA Burquier, V., D., G. Coûts de la santé : et si j’y pouvais (un peu) quelque chose ?, Rev Med Suisse, Vol. 14, no. 597, 2018, pp. 543–544.
APA Burquier, V., D., G. (2018), Coûts de la santé : et si j’y pouvais (un peu) quelque chose ?, Rev Med Suisse, 14, no. 597, 543–544. https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.597.0543
NLM Burquier, V., D., G.Coûts de la santé : et si j’y pouvais (un peu) quelque chose ?. Rev Med Suisse. 2018; 14 (597): 543–544.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.597.0543
Exporter la citation Zotero (.ris) EndNote (.enw)
tribune
7 mars 2018

Coûts de la santé : et si j’y pouvais (un peu) quelque chose ?

DOI: 10.53738/REVMED.2018.14.597.0543

Le thème des coûts de la santé revient périodiquement dans l’actualité, particulièrement à l’automne au moment de l’annonce des hausses des primes d’assurance maladie. Il y a des questions de fond à résoudre que la société toute entière devra à un moment ou un autre affronter. C’est le travail des politiques et je ne me risquerais pas sur ce terrain.

A mon niveau, la question se pose en termes très pragmatiques : comment, dans ma pratique, est-ce que je contribue à générer des dépenses, dont certaines sont peut-être superflues, et que puis-je améliorer ?

J’ai avec moi un stagiaire médecin, Tim, qui ne manque pas de poser quantités de questions, dont certaines, qu’à tort, je ne me pose plus… Exercice formateur pour moi, un peu agaçant parfois… Nous convenons au début de cette journée de consultations d’être attentifs et critiques quant aux coûts liés à notre activité.

Nous voyons Léo, patient d’une cinquantaine d’années, suivi pour une cure de substitution aux opiacés. Salutations, présentations d’usage – phase sociale –, je lui demande des nouvelles de son chien resté au pied de l’immeuble. Le chien est un personnage central de sa vie et Léo se montre intarissable sur le caractère de l’animal, son alimentation, ses problèmes de santé… Imperceptiblement et peut-être stimulé par la présence de Tim, Léo s’aventure dans des considérations sur le prix du paquet d’héroïne et la qualité du produit « qui n’est plus ce que c’était »… Je crains que nous n’ayons dérivé en une séquence bavardage à laquelle nous prenons, le patient, Tim et moi un certain plaisir, mais dont la valeur ajoutée est discutable en termes de temps facturé au patient… « C’est facturé au même prix que le restant de la consultation, la phase sociale ? » demande Tim. Euh… je suppose que non, mais à vrai dire, je n’en sais rien et c’est une erreur.

JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI

et j'accède à plus de contenu

Abonnement

100%

Numérique à partir de

CHF 170.-

(pour les médecins)

Abonnement

100%

Numérique à partir de

EUR 150.-

(pour les médecins)

Léo est stable, n’a pas de plaintes particulières hormis des lombalgies épisodiques. Quelques consommations ponctuelles d’héroïne fumée, pas d’alcool, une hépatite C chronique sans indication à un traitement jusque-là. Il vient pour un bilan annuel. Question de Tim : « Pourquoi un bilan annuel plutôt que tous les 6, 18 ou 24 mois ? ». Les hépatologues recommandent un bilan annuel dans le cadre du suivi d’hépatite C. Est-ce qu’on serait moins efficace en espaçant les bilans ? Tim remplit la fiche de demande de laboratoire : « Je fais une routine ? ». Non, justement, la routine consiste à ne pas se poser de questions, à cocher gamma-GT quand les transaminases suffiraient, à associer systématiquement folates à B12, à faire un bilan thyroïdien ou une formule sanguine complète sans point d’appel clinique… Léo insiste pour un dépistage VIH, pas vraiment indiqué chez un patient en couple stable qui n’injecte pas. Va pour le dépistage VIH : il est parfois plus facile de répondre à la demande d’un patient plutôt que de longuement argumenter. Et Léo ajoute : « Je sais que vous ne voulez pas me faire passer une radio du dos, je vous assure que j’ai vraiment mal quelquefois ». Ouf, message reçu par le patient, même s’il n’est pas totalement convaincu ! Fin de la consultation. On fixe un rendez-vous pour discuter des résultats. Est-ce vraiment nécessaire ? Un commentaire par téléphone pourrait probablement suffire. Léo va dans ce sens aussi : « Avec vos horaires de fonctionnaires, je suis obligé de prendre une demi-journée de congé chaque fois que je viens chez vous, ça ne m’arrange pas ». Je reconnais que j’apprécie de ne pas travailler le samedi, mais je ne peux pas ignorer que cela a un coût. Des patients moins scrupuleux que Léo vont ainsi consulter aux urgences pour des problèmes parfois mineurs, aux horaires qui n’empiètent pas sur leur vie professionnelle, quand ce n’est pas pour convenances personnelles.

Nous poursuivons les consultations avec une attention particulière portée aux dépenses. Côté prescription, nous sommes assez à l’aise : les systèmes informatisés renseignent le prix des spécialités et les caisses maladie ne remboursent en général pas les médicaments inutiles, ce qui facilite la négociation avec le patient. En revanche, lorsque j’inscris « non substituable » sans avoir approfondi la demande du patient, j’induis des dépenses inutiles. Et quand un arrêt de travail est nécessaire, je me surprends aujourd’hui jeudi à prescrire un arrêt jusqu’à la fin de la semaine, ce que j’avais fait la veille pour une problématique similaire et qui ne méritait pas une journée supplémentaire…

Les consultations terminées, Tim complète les dossiers des patients vus dans la journée : « Il est où le carnet de vaccination de Léo ? Tu es sûre qu’il est vacciné contre les hépatites A et B ? » J’en suis certaine, oui, mais non, l’onglet vaccinations n’a pas été renseigné, pas pris le temps. Temps perdu dans le suivi lorsqu’il s’agira de vérifier. « Il n’y en a aucun qui a voulu rédiger des directives anticipées ? ». C’est sans doute que je ne leur ai pas proposé à un moment ou un autre du suivi. La démarche prend du temps, mais c’est du temps gagné au moment où la situation se présente et qu’il faut recueillir dans l’urgence et une forte tension émotionnelle, les volontés du patient ou le témoignage des proches.

Je demande à Tim quels sont ses commentaires sur les observations de la journée, les points d’achoppement, leurs causes éventuelles et les moyens de mieux faire. Il évoque quelques pistes en vrac : « Les automatismes, quand on coche les examens complémentaires. » Il s’agit là de résister à une forme de paresse intellectuelle et d’évaluer ce qui est réellement pertinent en fonction des éléments cliniques. « On veut faire plaisir au patient. » Je ne peux que reconnaître une forme de complaisance, ou parfois de lassitude, qui conduit à accepter des demandes inappropriées du patient (examens complémentaires, prescriptions non substituables, arrêts de travail, etc.). « Le manque de temps», en partie vrai, mais qui recouvre aussi un défaut d’organisation et mène à remettre à plus tard les discussions de fond avec le patient (négociations autour de certaines de ses demandes, directives anticipées) ou à ne pas renseigner toutes rubriques du dossier (vaccination…). « Quand on n’est pas à l’aise avec une pathologie, on cherche tous azimuts, on perd du temps et on fait trop d’examens. » C’est tout à fait pertinent et c’est l’enjeu d’une actualisation continue des connaissances. « On pourrait ouvrir des plages de consultations certains soirs et le samedi matin. » Juste, mais ce point-là est du ressort de l’institution…

Tim sourit : « En fait, c’est bien ce qu’on nous enseigne de faire. Dans la vraie vie, ce n’est pas toujours facile à mettre en œuvre ! » Bien sûr, tout cela ne va pas révolutionner le budget de la santé. Mais peut y contribuer : de petites économies à multiplier par un grand nombre de médecins sont certainement bonnes à prendre en attendant des réformes de fond. C’est le principe du « Smarter medicine ». Cela demande que nous prenions conscience de ces possibilités d’économie et que nous fassions (un peu) bouger les lignes de nos pratiques.

Auteurs

Véronique De Germond Burquier

Chemin des Crêts-de-Champel
38, 1206 Genève
veronique-de-germond@bluewin.ch

Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.

Voir le Panier

Mot de passe oublié

Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe

Un e-mail a été envoyé à votre adresse email. Suivez les instructions fournies pour réinitialiser votre mot de passe

Aucun compte n'est associé à cette adresse e-mail.

Nouveau mot de passe

Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici

Votre mot de passe a bien été modifié!

Cliquez ici pour vous connecter

Nous ne sommes pas en mesure de changer votre mot de passe.

Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.

Paramétrer les cookies
  • Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.

  • Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse

  • Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.

  • Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.