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ISO 690 | Chatelanat, O., Delden, C., v., Adler, D., Guerne, P., Nendaz, M., Serratrice, J., Facteurs de risque et prophylaxie de la pneumonie à Pneumocystis jirovecii chez les patients non VIH, Rev Med Suisse, 2018/623 (Vol.14), p. 1829–1833. DOI: 10.53738/REVMED.2018.14.623.1829 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2018/revue-medicale-suisse-623/facteurs-de-risque-et-prophylaxie-de-la-pneumonie-a-pneumocystis-jirovecii-chez-les-patients-non-vih |
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MLA | Chatelanat, O., et al. Facteurs de risque et prophylaxie de la pneumonie à Pneumocystis jirovecii chez les patients non VIH, Rev Med Suisse, Vol. 14, no. 623, 2018, pp. 1829–1833. |
APA | Chatelanat, O., Delden, C., v., Adler, D., Guerne, P., Nendaz, M., Serratrice, J. (2018), Facteurs de risque et prophylaxie de la pneumonie à Pneumocystis jirovecii chez les patients non VIH, Rev Med Suisse, 14, no. 623, 1829–1833. https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.623.1829 |
NLM | Chatelanat, O., et al.Facteurs de risque et prophylaxie de la pneumonie à Pneumocystis jirovecii chez les patients non VIH. Rev Med Suisse. 2018; 14 (623): 1829–1833. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.623.1829 |
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Pneumocystis jirovecii (formely carinii) pneumonia (PcP) affects immunosuppressed patients. Cotrimoxazole prophylaxis has proven to be effective and its indications in HIV patients are well established. In non-HIV patients, the prognosis is poorer and diagnostic tests are of lower sensitivity. Recommendations for prophylaxis in hematology, oncology and solid organ transplantation are based on expert consensus. In rheumatology, the incidence of PcP is mainly related to the administration of corticosteroids. For some inflammatory diseases, a low CD4 cell count, and the administration of anti-TNFα, rituximab or cyclophosphamide may increase the risk. There are currently no well-defined concise guidelines concerning prophylaxis for immunosuppressed patients with inflammatory bowel diseases.
La pneumonie à Pneumocystis jirovecii (PcP) atteint les patients immunosupprimés. La prophylaxie par cotrimoxazole est efficace et ses indications chez les patients infectés par le VIH sont bien établies. Chez les patients non VIH, le pronostic est plus sombre et les examens diagnostiques sont de plus faible sensibilité. Les recommandations de prophylaxie en hématologie, en oncologie et lors de transplantation d’organes solides sont basées sur des avis d’experts. En milieu rhumatologique, l’incidence de PcP est principalement liée à l’administration de corticostéroïdes. Certaines maladies inflammatoires, un taux de lymphocytes CD4 bas et l’administration d’anti-TNFα, de rituximab ou de cyclophosphamide augmenteraient le risque. L’immunosuppression pour les maladies inflammatoires de l’intestin ne semble pas justifier une prophylaxie.
La pneumonie à Pneumocystis jirovecii, (anciennement carinii) (PcP) est une infection fongique atteignant les patients immunosupprimés. Pneumocystis est observé pour la première fois en 1909 chez le cochon d’Inde par le Dr Chagas, qui le considère alors comme un stade du cycle de vie de Trypanosoma cruzi. Il est distingué de ce dernier en 1910 par le Dr Carini qui le découvre chez le rat.
Durant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs cas de pneumonies interstitielles à cellules plasmocytaires sont décrits chez des enfants dénutris et les recherches du Dr Jirovec en 1952 révèlent que P. jirovecii en est à l’origine. Par la suite, des cas sporadiques de PcP se présentent chez des patients atteints de déficit immunitaire primaire ou d’hémopathies malignes. En 1981, un article du New England Journal of Medicine révélant 11 cas de PcP chez des jeunes hommes homosexuels ou toxicomanes au compte lymphocytaire effondré, marque le début des maladies opportunistes accompagnant le VIH.1
Dans les années 1990, la mise sur le marché des thérapies antirétrovirales et les recommandations de prophylaxie permettent une nette diminution de PcP. Toutefois, la large prescription d’immunosuppresseurs contribue à l’apparition de cas de plus en plus fréquents chez des patients non VIH. Les facteurs de risque chez ces derniers sont encore mal définis. Cet article a pour objectif de rappeler chez qui le diagnostic de PcP doit être évoqué en cas de symptomatologie suspecte et d’établir un état des lieux des connaissances actuelles concernant la prophylaxie chez les sujets non VIH.
Récemment, une étude prospective multicentrique, menée en France sur 544 patients, relevait les caractéristiques de la PcP selon le statut VIH.2 Si ce dernier était négatif, les patients rapportaient moins de symptômes respiratoires mais présentaient une hypoxémie plus sévère. Les taux d’admissions aux soins intensifs, d’intubations et de décès étaient plus importants dans le groupe non VIH (tableau 1). Dans la littérature, il est retrouvé une mortalité entre 28 et 53 % chez les patients non VIH et entre 17 et 30 % chez les patients VIH.3
P. jirovecii ne se cultivant pas, le diagnostic de PcP se fait à l’examen microscopique d’expectorations induites, rarement effectuées aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), ou de liquide de lavage bronchoalvéolaire (LBA) après coloration ou immunofluorescence. En cas d’examens non contributifs, il est possible d’effectuer une PCR en temps réel (rtPCR : real-time PCR) dont la valeur prédictive négative est proche de 100 % lorsqu’elle est effectuée sur le LBA, permettant ainsi d’écarter le diagnostic si elle négative.4 Ce test est d’autant plus intéressant chez les patients non VIH, où une moindre charge fongique diminue la sensibilité des examens sous microscope.5 Cependant, le risque de faux positif chez des patients colonisés par P. jirovecii et infectés par un autre germe n’est pas négligeable. De plus, les patients avec lymphopénie ou sous traitement de corticostéroïdes seraient plus fréquemment colonisés.6 Une rtPCR quantitative pourrait différencier une infection d’une colonisation, mais le seuil pour cette distinction est encore débattu.7 Ce dernier est fixé à 30 cycles aux HUG. Ayant l’avantage d’être non invasive, la mesure du taux sanguin du (1,3)-β-D-Glucan, composant polysaccharidique de la paroi de P. jirovecii, montre une sensibilité élevée, entre 90 et 95 %. Ce polymère étant présent dans plusieurs pathogènes (Candida spp et Aspergillus spp) la spécificité est plus faible, entre 78 et 83 %. Ainsi, ce test doit être effectué en complément des examens à haute spécificité précédemment cités.8,9
En ciblant la synthèse d’ergostérol dont P. Jirovecii est dépourvu, les antifongiques classiques sont inefficaces. Le cotrimoxazole est la prophylaxie et le traitement de choix. En inhibant le métabolisme de l’acide folique, il empêche la synthèse d’ADN. Les autres possibilités thérapeutiques sont la dapsone, l’atovaquone ou les aérosols de pentamidine. Chez les patients VIH, les sociétés internationales recommandent avec un haut niveau d’évidence une prophylaxie si les taux absolu et relatif de lymphocytes T CD4 sont inférieurs à 200 cellules/mm3 et 14 % respectivement.10 Chez les patients non VIH, les indications se basent le plus souvent sur des avis d’experts (tableau 2). Les facteurs de risque sont peu connus et les recommandations sont parfois très contrastées, engendrant un risque de prescription inadéquate.
Une étude rétrospective de la clinique Mayo faite en 1996 avait révélé que 90,5 % de 116 patients ayant développé une PcP avaient reçu des corticostéroïdes le mois précédent le diagnostic.11 Il est intéressant de noter que le dosage quotidien en équivalent de prednisone et la durée d’administration de celle-ci le jour du diagnostic de PcP variaient en fonction de la pathologie sous-jacente. En conséquence, un dosage seuil exposant à la PcP ne peut être commun à tous les patients non VIH.
Une méta-analyse de la Cochrane Collaboration parue en 2007 et mise à jour en 2014 reprenait toutes les études randomisées comparant une prophylaxie à un traitement sans activité contre P. jirovecii.12 Les 13 études comprenaient des patients atteints d’hémopathies malignes ou ayant subi une transplantation d’organes solides ou de moelle. Le cotrimoxazole montrait une bonne efficacité, avec une réduction relative de risque de 85 % permettant d’éviter un cas s’il était administré à 19 patients. Des effets secondaires graves sont survenus dans 3,1 % des cas, menant les auteurs à proposer une prophylaxie si le risque de PcP est supérieur à 3,5 %. L’absence d’autre cause d’immunosuppression ne permet pas d’extrapoler les données à l’ensemble des patients non VIH.
Selon une conférence de consensus européenne (ECIL) une prophylaxie est recommandée durant les 6 mois qui suivent une greffe de cellules souches allogéniques et ce pour la durée du traitement immunosuppresseur qui l’accompagne.13 La même recommandation est établie pour les thérapies des leucémies lymphoïdes aiguës, de l’induction à la fin du traitement de maintien. Pendant un traitement d’alemtuzumab (Anti-CD-52) et les 6 mois qui suivent son administration, ou durant les thérapies par fludarabine/cyclophosphamide/rituximab et R-CHOP (rituximab, cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine et prednisone) une prophylaxie est également justifiée.
Les déficits immunitaires primaires, tels que l’immunodéficience sévère combinée (SCID), le syndrome de Wiskott-Aldrich ou l’agammaglobulinémie liée à l’X, bénéficient d’une prophylaxie à vie. Toutes ces recommandations s’appliquent aussi au domaine pédiatrique.
En oncologie, les patients sous traitement d’analogue des purines associé à un traitement lymphopéniant ou sous traitement de témozolomide avec radiothérapie cérébrale sont particulièrement à risque et une prophylaxie pourrait être considérée.14
Selon la Société américaine de transplantation, il est proposé une prophylaxie pour les 6 à 12 mois suivant la transplantation d’organes solides et à vie si cette chirurgie concerne les poumons ou l’intestin grêle.15 Dans le cadre de l’infection à cytomégalovirus (CMV), on peut observer chez les receveurs deux situations différentes : la présence d’une réplication à bas bruit prolongée, qui justifie une prophylaxie, mais aussi des infections aiguës, avec forte réplication virale, pour lesquelles le risque de PcP secondaire semble augmenter. A noter qu’un rejet nécessitant une intensification de l’immunosuppression doit être accompagné de la prophylaxie.
Une récente étude cas-témoins en Corée du Sud a décrit des patients avec maladies rhumatologiques au bénéfice de corticostéroïdes à des dosages équivalents à 30 mg par jour de prednisone durant plus de 4 semaines.16 L’administration de la prophylaxie à 52 patients a permis d’éviter un cas de PcP. Parmi les 262 cas sous cotrimoxazole, 2 patients ont dû être hospitalisés pour une agranulocytose et un syndrome de Stevens-Johnson. En tenant compte de la mortalité élevée de la PcP et de l’incidence d’effets secondaires sévères du cotrimoxazole, cette étude était en faveur d’une prophylaxie chez les patients rhumatologiques sous un tel dosage de corticostéroïdes. Cependant, selon un travail rétrospectif recensant 293 cas de PcP entre 1990 et 2010, les taux d’incidence de pneumonie diffèrent en fonction de la maladie sous-jacente.17 Les patients atteints de polymyosite et dermatomyosite, de granulomatose avec polyangéite et de périartérite noueuse semblent particulièrement exposés. A l’inverse, un traitement immunosuppresseur pour une sarcoïdose, un syndrome de Sjögren, une artérite à cellules géantes (Horton) ou une polymyalgia Rheumatica semble trop rarement entraîner une PcP pour bénéficier d’une prophylaxie. Dernière pathologie rhumatologique recensée dans cette étude, la polyarthrite rhumatoïde présente un risque intermédiaire de PcP, laissant supposer que la prophylaxie devrait être débutée uniquement si le traitement de corticostéroïdes est accompagné d’autres facteurs de risque (tableau 3).
Concernant les autres traitements immunosuppresseurs, les anti-TNFα, tels que l’étanercept, l’infliximab ou l’adalimumab, sont suspectés d’augmenter le risque de PcP. Toutefois, une surveillance chez 5000 patients au bénéfice d’anti-TNFα et atteints de polyarthrite rhumatoïde − pathologie à faible risque − a montré une incidence basse de PcP.18 Le rituximab, anticorps monoclonal anti-CD20, associé à d’autres immunosuppresseurs, engendrerait une augmentation de cas de PcP 3 à 6 mois après son administration, période à laquelle la déplétion des lymphocytes B est maximale.19 Le cyclophosphamide semble exposer particulièrement à la PcP chez des patients à risque ou recevant d’autres immunosuppresseurs. Si le diagnostic de PcP doit être évoqué chez des patients avec symptomatologie suspecte et traités par anti-TNFα, rituximab ou cyclophosphamide, le taux d’incidence ne semble pas justifier une prophylaxie en l’absence d’autre facteur de risque.
Plusieurs études de cas ou de séries de cas ont semé le doute quant à la nécessité d’introduire une prophylaxie chez les patients présentant des maladies inflammatoires des intestins. Une étude cas-témoins sur 108 604 patients avec une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique a révélé une faible incidence de PcP. Si la prophylaxie était efficace à 100 %, il serait nécessaire de l’administrer à 3750 patients pour éviter un cas de PcP.20 A la lumière de cette étude, une prophylaxie n’est pas indiquée chez ces patients, mais des possibles sous-groupes à risque restent à définir.
Certaines pathologies pulmonaires, tels que la sarcoïdose, les maladies interstitielles, la pneumonie cryptogénique organisante, l’asthme ou la BPCO sévères, nécessitent parfois une administration prolongée de corticostéroïdes ou d’immunosuppresseurs. Toutefois, probablement par manque de données, le risque et la prophylaxie de PcP ne sont pas évoqués dans les recommandations spécifiques de ces maladies établies par l’European Respiratory Society et l’American Thoracic Society. Le risque doit donc être évalué individuellement pour chaque patient selon la gravité de la maladie pulmonaire sous-jacente, ainsi que la dose et la durée de la corticothérapie. A noter que les traitements corticostéroïdes dans les fibroses idiopathiques n’étant à ce jour plus recommandés, l’administration d’une prophylaxie n’est pas indiquée chez ces patients.22
P. jirovecii se fixe aux pneumocytes de type I et est phagocyté puis dégradé par les macrophages alvéolaires. Les lymphocytes T CD4 ayant un rôle central dans le recrutement et l’activation de ces derniers, leur défaillance ou leur diminution exposent à un risque accru de PcP. Une revue systématique reprenant 14 études, dont seulement une prospective, menées chez des patients non VIH révélait un taux de CD4 inférieur à 200/mm3 chez 73,1 % des 129 patients avec diagnostic de PcP pour lesquels les données sur ce seuil étaient disponibles.23 Compte tenu des aspects méthodologiques des études incluses, d’une possible sensibilité encore limitée et surtout en l’absence d’étude comparative avec patients contrôles sans PcP, il semble difficile de recommander, isolément, un seuil de lymphopénie chez les patients non VIH pour introduire une prophylaxie.
Les facteurs de risque de PcP et les indications à une prophylaxie chez les patients non VIH sont à ce jour encore mal définis. Les hémopathies malignes, les transplantations de moelle osseuse et d’organes solides, les déficits immunitaires primaires, justifient la prescription d’une prophylaxie. Une prophylaxie à partir d’un dosage seuil de corticostéroïdes sans autre considération semble mener à une prescription erronée. D’autres facteurs commencent à émerger dans la littérature, tels que certaines pathologies rhumatologiques, le cumul de certains immunosuppresseurs et un taux de lymphocytes CD4 bas. Toutefois, le taux d’incidence de PcP dans ces conditions est indéterminé ne permettant pas d’émettre des recommandations claires.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Les hémopathies malignes, les transplantations de moelle osseuse et d’organes solides et les déficits immunitaires primaires doivent être accompagnés de la prescription d’une prophylaxie
▪ Un traitement de corticostéroïdes expose à un risque élevé de pcp. Le dosage seuil pour l’introduction d’une prophylaxie dépend de la pathologie sous-jacente et est encore inconnu à ce jour
▪ Les traitements de rituximab, de cyclophosphamide et d’anti-TNFα, ainsi qu’un taux de lymphocytes CD4 bas doivent être des arguments en faveur d’une prophylaxie ou éveiller la suspicion clinique d’une pcp en cas de symptômes compatibles
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