Sommaire du numéro
ISO 690 Gallay, C., Dumont, S., Kherad, O., Efficacité des écrans solaires contre le mélanome, Rev Med Suisse, 2019/635 (Vol.15), p. 198–201. DOI: 10.53738/REVMED.2019.15.635.0198 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2019/revue-medicale-suisse-635/efficacite-des-ecrans-solaires-contre-le-melanome
MLA Gallay, C., et al. Efficacité des écrans solaires contre le mélanome, Rev Med Suisse, Vol. 15, no. 635, 2019, pp. 198–201.
APA Gallay, C., Dumont, S., Kherad, O. (2019), Efficacité des écrans solaires contre le mélanome, Rev Med Suisse, 15, no. 635, 198–201. https://doi.org/10.53738/REVMED.2019.15.635.0198
NLM Gallay, C., et al.Efficacité des écrans solaires contre le mélanome. Rev Med Suisse. 2019; 15 (635): 198–201.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2019.15.635.0198
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médecine interne générale
23 janvier 2019

Efficacité des écrans solaires contre le mélanome

DOI: 10.53738/REVMED.2019.15.635.0198

Melanoma represents the fifth most common cancer in Switzerland and its incidence is rising over the past decades. A new debate is going on about the efficacy of sunscreen against the risk of developing melanoma. Few studies have proven its efficacy with a significant risk of overexposure to sunlight due to the feeling of overprotection offered by those sunscreens. The role of the physician is to explain this risk and to integrate sunscreens among a wide range of other strategies existing in primary prevention of melanoma.

Résumé

Le mélanome représente le cinquième cancer le plus fréquent en Suisse, avec une incidence qui ne fait qu’augmenter depuis des décennies. Parmi les mesures de prévention primaire, un nouveau débat a émergé concernant l’efficacité des écrans solaires contre le mélanome. Peu d’études ont en effet réussi à démontrer un bénéfice des écrans solaires pour prévenir la survenue de mélanome avec un risque non négligeable de surexposition aux rayons solaires inhérent au sentiment de surprotection offert par ces produits. Le rôle du médecin est d’expliquer ces risques et d’intégrer les écrans solaires dans les mesures photoprotectrices à disposition, en insistant sur l’importance des mesures de protection physique.

Introduction

Le mélanome constitue un problème croissant de santé publique en Suisse, avec une incidence qui n’a cessé d’augmenter au fil des dernières décennies, sous l’influence notamment d’une détection précoce.1 La controverse actuelle se place sur l’axe préventif, qu’il soit primaire ou secondaire. Le bénéfice d’un dépistage systématique du cancer de la peau pour la population générale n’a en effet pas été démontré. A cet égard, la Ligue suisse contre le cancer ainsi que la Société suisse de dermatologie recommandent un contrôle médical régulier s’adressant uniquement aux personnes présentant un risque élevé (> 100 taches pigmentées sur le corps, des taches pigmentées irrégulières dans leur forme ou leur couleur, un antécédent de cancer de la peau ou la présence d’une immunodéficience).2 Parmi les mesures de prévention primaire, un nouveau débat a émergé allant à l’encontre d’un dogme bien ancré dans l’inconscient collectif : l’efficacité des écrans solaires dans la prévention du mélanome. En effet, dans quelle mesure le sentiment de surprotection qu’offrent ces filtres solaires ne représente-t-il pas à lui seul un facteur de risque de développer un cancer cutané ? Cet article a comme objectif de revoir les notions de base du mélanome en termes de pathologie et épidémiologie et de revenir sur le débat qu’a suscité un éditorial sur l’efficacité des écrans solaires dans un précédent numéro de la Revue Médicale Suisse.3

Généralités sur le mélanome

Epidémiologie

En 2015, l’incidence mondiale du mélanome s’élevait à 350 000 cas/an, avec 60 000 décès recensés. En tête de liste des pays les plus touchés, on retrouvait la Nouvelle-Zélande, l’Australie et la Norvège. La Suisse détient l’un des plus hauts taux d’incidence de mélanome cutané en Europe avec 2400 mélanomes diagnostiqués chaque année, et parmi ces cas, environ 300 entraînent le décès du patient. Il a été prouvé qu’une détection précoce permet d’améliorer substantiellement la survie et la mortalité du mélanome.4

Pathogenèse, diagnostic et traitement

Le mélanome est une tumeur qui se développe à partir des cellules mélanocytaires, productrices de mélanine. Les mélanocytes sont dérivés de la crête neurale ; par conséquent, bien qu’ils se manifestent habituellement sur la peau (figure 1), les mélanomes peuvent survenir à d’autres endroits où les cellules de la crête neurale ont migré, comme le tractus gastro-intestinal et le cerveau.

Fig 1

Mélanome cutané avec des signes de malignité

En fonction des caractéristiques histologiques et pathologiques, quatre types de mélanome sont décrits : le mélanome superficiel extensif (50‑70 %), le mélanome nodulaire (15‑30 %), le mélanome de Dubreuilh ou lentigo malin (5‑10 %), touchant principalement le visage des personnes âgées et le mélanome acro-lentigineux (2‑5 %), se situant sur la paume des mains, sous les ongles et la plantes des pieds. Le diagnostic clinique d’un mélanome cutané repose sur l’analyse sémiologique d’une lésion pigmentée à l’aide de la règle ABCDE (Asymétrie, Bordure, Couleur, Diamètre, Evolution). Ce diagnostic clinique doit toujours être confirmé par l’examen anatomopathologique sur une pièce d’exérèse complète de la lésion et non sur une biopsie qui peut entraîner des erreurs diagnostiques.

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En cas de détection précoce, le pronostic est généralement bon, ce dernier étant directement lié à la profondeur de la lésion (4 stades selon l’indice de Breslow), elle-même dépendante du délai de diagnostic (tableau 1).

Tableau 1

Classification du melanoma

Les examens complémentaires seront demandés dans le cadre d’une réunion multidisciplinaire. Le stade I asymptomatique ne justifie aucun examen d’imagerie. Le traitement du mélanome est essentiellement chirurgical. Il peut faire appel également à l’immunothérapie, la chimiothérapie ou la radiothérapie après discussion multidisciplinaire.5

Facteurs de risque

Les rayons ultraviolets (UV) émis par le soleil sont reconnus responsables d’environ 80 % des cancers de la peau.6 Les UVB semblent davantage associés aux mélanomes que les UVA (tableau 2). Une exposition intense et de courte durée semble être un facteur de risque prépondérant en comparaison d’une exposition de longue durée pour la survenue de mélanome. Par ailleurs, une exposition précoce dans l’enfance jouerait un rôle important dans le développement de ce type de cancer. Il existe également des facteurs de risque liés à l’hôte : un nombre important de nævi mélanocytaires, une histoire familiale positive et une prédisposition génétique sont des facteurs prédisposants. Les autres facteurs de risque évoqués (le tabac, l’obésité, les contraceptifs oraux, l’endométriose et la maladie de Parkinson) semblent eux aussi jouer un rôle dans le développement de mélanome, mais de manière moins importante.

Tableau 2

Effets comparés des UV (UVA et UVB)

Prévention des mélanomes

L’exposition solaire (ainsi que l’exposition aux UV dans les cabines de bronzage) reste le principal facteur environnemental sur lequel nous pouvons agir par des moyens de prévention. A l’échelle internationale, les premiers pays qui ont mis sur pied des campagnes de prévention observent depuis quelques années une modeste diminution de la mortalité due au mélanome.7 L’élément fondamental en prévention primaire repose sur les moyens de protection physique contre l’exposition solaire, comme le port d’habits, de chapeau, de lunettes, la limitation de l’exposition et la crème solaire.8 Il pourrait exister d’autres facteurs protecteurs tels que la prise de vitamine D, d’aspirine et de médicaments hypolipémiants, mais les preuves restent limitées.

Parmi toutes ces mesures, la crème solaire, plus facile d’application, représente le mode de protection préféré à travers le monde, les autres mesures ne pouvant s’appliquer à toutes les situations, dans une société où les activités en plein air prennent de plus en plus d’importance.

Efficacité des écrans solaires

L’effet protecteur des écrans solaires chez l’homme est étudié depuis longtemps, avec des résultats contradictoires provenant quasiment exclusivement d’études observationnelles.9 Certaines études observationnelles ont même révélé un risque accru de cancer cutané chez les patients utilisant des écrans solaires.10 Ces données sont souvent contestées, et on estime aujourd’hui que des facteurs confondants (augmentation du temps d’exposition, faible niveau de protection, filtre anti-UVB uniquement) puissent expliquer cette association. Les résultats en faveur des écrans solaires concernent majoritairement les carcinomes baso- et spinocellulaires (ou épidermoïdes), des cancers dont la mortalité est nettement inférieure à celle des mélanomes.

En revanche, la relation entre les écrans solaires et la diminution du risque de mélanome est moins certaine. Une étude de cohorte prospective, publiée en 2016, conclut que l’utilisation d’un écran solaire avec un facteur protecteur solaire (FPS) supérieur ou égal à 15 pourrait diminuer de 18 % le risque de mélanome chez la femme de 40 à 75 ans. L’effet de l’écran solaire pourrait donc être lié au FPS. Deux études in vitro avec des modèles animaux ont également mis en évidence un bénéfice de l’utilisation de filtre solaire. La première postule que les nourrissons seraient sensibles aux mélanomes liés aux UVB et que l’utilisation d’écrans solaires avec un FPS 15 ou plus dans cette population pourrait réduire la survenue de mélanome. La seconde étude s’intéresse aux écrans solaires sous forme d’aérosols. Cette étude observe que l’écran solaire empêche les dommages ADN causés par les UV et retarde la formation de mélanome. Ces études sont cependant limitées aux modèles animaux et il n’y a pas de preuves de leur reproductibilité sur l’homme à ce jour. Une récente étude cas-témoins de 2018 montre que l’utilisation fréquente d’écran solaire chez les enfants et les jeunes adultes réduit la survenue du mélanome avant 40 ans. Cette étude ne définit pas la quantité exacte de crème solaire nécessaire. De plus, elle ne prend pas en compte les autres mesures de photoprotection.

Au final, le seul essai contrôlé randomisé supportant l’utilisation de l’écran solaire en prévention du mélanome est l’étude australienne de Green et coll.11 Il s’agit d’un essai clinique randomisé sur dix ans, conçu initialement pour évaluer les carcinomes basocellulaires et spinocellulaires : le mélanome n’était qu’un critère d’évaluation secondaire après un suivi à dix ans. L’étude comparait deux populations : un groupe utilisant de la crème solaire quotidiennement sans restriction budgétaire et un groupe utilisant de la crème solaire sans financement et selon leur appréciation. Cette étude de suivi objective une réduction de survenue de mélanome invasif dans le premier groupe par rapport au second (3 cas versus 11, hazard ratio : 0,27 ; IC 95 % : 0,08‑0,97). Les auteurs concluent que l’utilisation régulière de crème solaire pourrait réduire l’incidence du mélanome. Toutefois, l’effet protecteur de la crème appliquée très régulièrement n’était pas statistiquement significatif pour l’ensemble des mélanomes.

Plus récemment, une méta-analyse a évalué l’association entre le risque de cancer de la peau et l’utilisation d’écran solaire en incluant 29 études (25 cas-témoins, deux de cohortes, une transversale et une contrôlée) impliquant 313 717 participants. Les auteurs concluent que ni les mélanomes ni les autres cancers de la peau n’ont été associés, de manière positive ou négative, à l’utilisation d’écran solaire.9

Pourquoi un débat ?

Le débat suscité dans un récent éditorial de la Revue Médicale Suisse est articulé autour de la critique des écrans solaires, dont l’efficacité n’est pas prouvée dans la prévention de la survenue des mélanomes. Des dermatologues ont alors réagi à cette prise de position qui a été relayée dans plusieurs médias.12 Ils craignaient que ce débat transmette un mauvais message de santé publique et que la population cesse de se protéger de l’exposition solaire.

Force est néanmoins de constater qu’il n’existe pas d’évidence scientifique forte en faveur des écrans solaires pour prévenir la survenue du mélanome. De plus, bien qu’il soit difficile de le prouver, l’augmentation de l’incidence du mélanome pourrait être en partie expliquée par le sentiment de surprotection qu’offrent ces écrans solaires à une population de jeunes qui s’exposent au soleil par intermittence et souvent de manière intensive.13 Ce type d’exposition, particulièrement nocif pour les cellules de la peau, explique en partie pourquoi le mélanome est devenu si courant dans les pays riches et les couches socio-économiques favorisées.

Dans leur réponse, les dermatologues expliquent l’absence de données solides par la difficulté de mener des études randomisées contrôlées dans ce domaine. Il est vrai que les mélanomes sont des tumeurs malignes beaucoup plus rares que les carcinomes, et que l’effet bénéfique de la photoprotection sur leur incidence est donc plus difficile à démontrer. Par ailleurs, standardiser l’application de crème solaire reste un défi : il existe en effet de nombreux types de crèmes avec différents FPS et les populations (âges, sexe) étudiées sont hétérogènes. Nous pouvons ajouter que les conclusions de la méta-analyse sont à interpréter avec prudence. Les auteurs eux-mêmes estiment que le degré d’évidence de cette méta-analyse négative est faible, notamment en raison de la forte hétérogénéité (I2 = 89,4 %) et des différences dans les méthodologies des études. Ainsi, comme le veut le dicton en evidence based medicine, l’absence de preuve n’est pas forcément preuve d’absence d’effet. Les sociétés médicales seraient néanmoins bien inspirées d’exiger des industriels de financer un essai clinique à large échelle, et ce de manière indépendante, afin de démontrer une efficacité contre la survenue des mélanomes et de confirmer la sécurité de ces produits pour informer correctement le grand public.

Conclusion

Au-delà du débat sur la preuve d’efficacité des crèmes solaires, tout le monde s’accorde sur un point : il faut s’astreindre à consommer le soleil avec modération et détecter précocement les lésions suspectes. Le rôle du médecin est d’expliquer les limites et l’utilité des crèmes solaires qui font partie d’un arsenal de mesures de photoprotection méritant d’être hiérarchisées : pour prévenir le mélanome de la peau, les moyens les plus efficaces sont les moyens de protection physique (porter des vêtements appropriés et éviter le soleil de 11 à 15 heures, ainsi que les cabines de bronzage). La persistance du modèle social qui associe une peau bronzée à un signe de bonne santé souligne cependant l’ampleur du travail de prévention qu’il reste à accomplir.

Conflit d’intérêts :

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

▪ Le mélanome représente le cinquième cancer le plus fréquent en Suisse avec une incidence qui ne fait qu’augmenter depuis des décennies

▪ Il n’existe pas d’évidence scientifique forte en faveur des écrans solaires dans la survenue du mélanome

▪ Le rôle du médecin est d’expliquer les limites des crèmes solaires qui font partie d’un arsenal de mesures de photoprotection méritant d’être hiérarchisées

▪ Les moyens les plus efficaces de prévention primaire contre la survenue du mélanome sont les moyens de protection physique (port de vêtements appropriés et éviction du soleil entre 11 et 15 heures, ainsi que les cabines de bronzage)

Auteurs

Caroline Gallay

Service de médecine interne, Hôpital de la Tour
Avenue J.-D. Maillard 3, 1217 Genève
c.gallay@orange.fr

Shireen Dumont

Service de dermatologie et vénéréologie Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
shireen.dumont@hug.ch

Omar Kherad

Service de médecine interne, Hôpital de la Tour, Avenue J.-D.-Maillard 3, 1217 Meyrin

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