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ISO 690 Kiefer, B., Bloc-notes. Petites questions face à l’avenir, Rev Med Suisse, 2007/093 (Vol.3), p. 88–88. DOI: 10.53738/REVMED.2007.3.93.0088 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2007/revue-medicale-suisse-93/bloc-notes.-petites-questions-face-a-l-avenir
MLA Kiefer, B. Bloc-notes. Petites questions face à l’avenir, Rev Med Suisse, Vol. 3, no. 093, 2007, pp. 88–88.
APA Kiefer, B. (2007), Bloc-notes. Petites questions face à l’avenir, Rev Med Suisse, 3, no. 093, 88–88. https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.93.0088
NLM Kiefer, B.Bloc-notes. Petites questions face à l’avenir. Rev Med Suisse. 2007; 3 (093): 88–88.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.93.0088
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10 janvier 2007

Bloc-notes. Petites questions face à l’avenir

DOI: 10.53738/REVMED.2007.3.93.0088

2007, si l’on regarde du côté de l’économie, s’annonce au mieux. C’est même l’euphorie (mais pourquoi le petit peuple s’angoisset-il?). «Ambiance “Belle Epoque” que ce début de siècle, écrit Eric le Boucher dans sa rubrique économique du Monde, où tout devrait aller mal et où tout – ou presque – va bien». La plupart des pays en développement galopent pour rejoindre les développés, la croissance mondiale reste forte, les bulles n’éclatent pas malgré les mauvais augures. Partout les riches deviennent plus riches, la fortune des super-riches s’envole. Même les pauvres ont un peu plus de miettes à se partager. Seules souffrent un peu les classesmoyennes occidentales, ces éternelles râleuses, dont les «salaires sont bloqués par la mondialisation».

C’est aussi avec un bel optimisme que, dans son éditorial de fin d’année, The Economist récite son traditionnel couplet proéconomie. 3,2%de croissance annuelle depuis 2000: le capitalisme de marché «fait bien son boulot», affirme-t-il. Que peut-on rêver demieux, dites un peu? Certes, se pose quand même une question, avoue l’éditorialiste. D’où vient que la croissance et le marché peinent à rendre les gens heureux? Car il faut bien constater ce paradoxe: une fois parvenus à un degré minimal de développement, les pays ne deviennent pas plus heureux à mesure que leur richesse augmente. Pourquoi? The Economist tente quelques suppositions. Il existe des «coûts cachés» à la richesse, d’abord. Rien de grave: un peu trop d’obésité, quelquesmaladies addictives et psychiques, un climat un tantinet plus douillet (une histoire de coûts, de toute façon: donc rien que le marché ne puisse résoudre). Ensuite, il y a que tout le monde ne peut pas faire partie de l’élite (étant suppose – c’est le mantra du système consumériste – que le bonheur dépend de l’appartenance à ce groupe). Mais comment y remédier? C’est le jeu de la vie, n’est-ce pas? Du coup, l’éditorialiste-prédicateur conclut par un acte de foi conservateur. «Remettre en question le système de marché parce qu’il n’apporte pas la joie en même temps que la croissance revient à le charger d’un trop grand poids. Le capitalisme peut vous apporter le bien-être. Et il vous laisse libre d’être aussimalheureux que vous le choisissez. Lui demander quoi que ce soit de plus serait trop lui demander». Relax, chers Terriens inquiets! Tout va bien!

Même autosatisfaction du côté de la science, celle des magazines en tout cas. Un exemple parmi d’autres: pour ses cinquante ans, le New Scientist vient d’éditer un énorme numéro spécial à la gloire des avancées de la science. Côté face, la revue s’émeut devant 50 années de découvertes. Côté pile, elle demande à une brochette de stars scientifiques ce que la science apportera durant les 50 prochaines années. Les promesses s’enchaînent. Demain sera un monde enchanteur. La plupart des secrets de la Nature qui résistent encore seront éclaircis. Sur la conscience, sur la vie après la mort, nous aurons des certitudes scientifiques. Mieux encore: grâce au nouveaumonde des nanotechnologies et du biopouvoir, nous aurons transformé les choses et nous-mêmes bien au-delà de ce que permet la physico-chimie actuelle. L’humain autoconstruit sera lamerveille des merveilles, vous verrez.

Tout cela fait plaisir à lire.Mais la réalité, c’est que notre petite planète ne se porte pas bien. Ce que les économistes et les scientifiques peinent à considérer, avec leurs visions doucereuses, c’est le monde qui patauge. Ce sont lesmécanismes profondément obscurs de la violence, de l’injustice, de la destruction. C’est la duplicité des humains, capables des réalisations les plus sublimes comme des actes les plus barbares. La science progresse, les pays se développent,mais les tendances sombres ne régressent pas. L’inconscient collectif reste orienté à l’autodestruction. Thanatos ne cède pas un pouce à Eros. Aucune amélioration n’est en vue. Au contraire: se dessinent une vulnérabilité accrue des individus et une augmentation du désordre du monde. Les gens sont de plus en plus anxieux et rien n’indique qu’ils aient tort.

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Un futurologue qui a le mérite de prendre au sérieux la part obscure des humains, c’est Jacques Attali (lequel était ces dernières semaines, vous l’aurez remarqué, le Mme Soleil desmédias: la prédiction science-fictionnesque est en passe de devenir le grand trend médiatique de chaque fin d’année). Du coup, sa réflexion n’est pas très optimiste – c’est le moins que l’on puisse dire. Tout ce qu’il prévoit dans son dernier bouquin1 est «hyper», ce qui veut dire, en fait, dépersonnalisé, fractionné, extrémisé. Le capitalisme idéologique n’en n’a plus pour très longtemps. Et on ne va pas vraiment vers le beau. Du moins au plan humain.

Mais voyons le détail. Trois vagues d’évolution nous attendent pour les 50 prochaines années, explique Attali (sans que l’on comprenne bien si, dans son idée, ces vagues seront nécessairement successives ou si leur succession est une option). L’hyperempire, d’abord: la logique capitaliste triomphe, le monde s’unifie autour d’un marché planétaire sans démocratie, les libertés disparaissent (nous y sommes déjà). L’hyperconflit, ensuite: les guerres locales pullulent, les identités se crispent sur un mode religieux ou fanatique, tout est permis pour s’assurer de ressources en énergie ou en eau, la vie finit par n’avoir plus de valeur (nous avons un pied dedans). L’hyperdémocratie, enfin: de nouveauxmodes de relation apparaissent, améliorant la gestion des pays, de l’environnement ou encore de la pauvreté. C’est alors que l’Histoire (si elle franchit les étapes précédentes) écrit Attali dans un début d’optimisme, pourrait achever «l’intégration des intelligences collectives en une intelligence universelle». On pourrait même envisager, continue-t-il, prenant un ton messianique, l’émergence d’une «hyperintelligence du vivant» dont l’humanité ne serait qu’une «infime composante». Grâce à cette échappatoire, la seule possible, l’humanité ne serait pas anéantie. Juste «dépassée». Mais cela ne revient-il pas au même?

Quantité de prévisionnistes voient le salut dans l’intelligence collective.Mais l’intelligence humaine (quant aux autres formes, nous n’en connaissons rien) est profondément divisée, instable, jalouse, généreuse, imaginative, dominatrice…Arrêtons avec ces anthropologies simplistes. Demandons par exemple: l’intelligence vaut-elle toujours mieux que le bonheur? Et le bonheur vaut-il mieux que la justice? Ou que la mémoire (la destruction de la mémoire constitue un moyen facile de bonheur léger…) ou que ce sousproduit de la mémoire, la conscience de soi et de la réalité?

Peut-être nous trouvons-nous dans une impasse. Peut-être, en conséquence, faut-il penser l’avenir à nouveaux frais. Abandonner ces rêves de fusion des intelligences, de gigantesque internet qui prendrait le contenu de nos cerveaux et les mélangerait en un réseau dépersonnalisé, en un grand Tout (avenir qui révulse ou ennuie à mourir certains d’entre nous, rien que d’y penser).

Plutôt que de créer un nouveau religieux économique ou de la spiritualité scientifique dégoulinante de gentillesse, descendons dans l’obscurité du présent et, tenant à bout de bras les falots que nous offrent l’histoire, la sociologie, la psychiatrie – et tous les bricolages du savoir et de la création – tâchons d’éclairer un futur où survivraient la diversité des individus et les bons côtés de l’étrange folie humaine.

Bertrand Kiefer

Auteurs

Bertrand Kiefer

Médecine et Hygiène Chemin de la Gravière 16
1225 Chêne-Bourg
bertrand.kiefer@medhyg.ch

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