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ISO 690 Ramlawi, M., Larribau, R., Etat de choc : approche diagnostique aux urgences, Rev Med Suisse, 2009/213 (Vol.5), p. 1600–1605. DOI: 10.53738/REVMED.2009.5.213.1600 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2009/revue-medicale-suisse-213/etat-de-choc-approche-diagnostique-aux-urgences
MLA Ramlawi, M., et al. Etat de choc : approche diagnostique aux urgences, Rev Med Suisse, Vol. 5, no. 213, 2009, pp. 1600–1605.
APA Ramlawi, M., Larribau, R. (2009), Etat de choc : approche diagnostique aux urgences, Rev Med Suisse, 5, no. 213, 1600–1605. https://doi.org/10.53738/REVMED.2009.5.213.1600
NLM Ramlawi, M., et al.Etat de choc : approche diagnostique aux urgences. Rev Med Suisse. 2009; 5 (213): 1600–1605.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2009.5.213.1600
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Articles thématiques : médecine d’urgence
19 août 2009

Etat de choc : approche diagnostique aux urgences

DOI: 10.53738/REVMED.2009.5.213.1600

Shock : diagnostic evaluation in the emergency department

The identification of shock may be sometimes easy or on the other hand difficult due to the lack of accuracy of ancillary tests. The use of ultrasound has modified the initial emergency assessment of patients presenting with shock, in that it can now be used to differentiate between different types of shock (cardiogenic versus hypovolemic). The use, performance, and clinical benefits of ultrasound protocols applied by emergency physicians, still remain to be validated before to be implemented.

Résumé

L’identification de l’origine d’un état de choc peut être parfois très facile, ou au contraire quasi impossible car la contribution des examens ancillaires est médiocre. L’utilisation de l’ultrasonographie a modifié la prise en charge initiale de l’état de choc aux urgences car cet outil est performant pour en différencier les différents types (cardiogène, hypovolémique). L’utilisation, le rendement diagnostique et le bénéfice clinique des protocoles d’échographie, réalisée par l’urgentiste, doivent faire l’objet de validation avant leur utilisation systématique.

Introduction

L’état de choc est un syndrome clinique secondaire à une insuffisance circulatoire aiguë, dont les causes sont multiples et l’épidémiologie mal connue. En bref, toutes les classes d’âge semblent concernées, mais plus particulièrement les sujets âgés. Son incidence dans les services d’urgence varie entre quatre et dix pour mille admissions.1 Les chocs hypovolémiques et cardiogéniques constituent plus de 90% des causes d’états de choc dont l’étiologie n’est pas évidente d’emblée.2 La cause du choc n’est retrouvée initialement que dans 25-50%3 des cas. La mortalité globale avoisine 50%, plus spécifiquement, celle du choc septique est de 40-60%, malgré les protocoles de déchoquage,1 et celle du choc cardiogène secondaire à un infarctus aigu est de l’ordre de 50-80%, indépendamment des stratégies de reperfusion.1,4

L’objectif de cet article est de proposer une approche diagnostique pragmatique de l’état de choc basée sur les éléments cliniques et paracliniques disponibles aux urgences, y compris l’échographie.

Physiopathologie et clinique

L’état de choc est la conséquence d’un déséquilibre entre l’apport et la demande en oxygène. A l’échelle cellulaire, l’hypoxie et l’arrêt de la phosphorylation oxydative mitochondriale aboutissent à une accumulation de lactates issus de la réduction du pyruvate. L’acidose lactique est définie par un pH < 7,35 avec une lactatémie > 5 mmol/l. La classification des acidoses lactiques,5 dont l’état de choc n’est pas la seule étiologie, est présentée dans le tableau 1.

Tableau 1

Classification simplifiée des hyperlactatémies 5

Parallèlement à la déplétion des réserves énergétiques cellulaires, l’hypoxie amène à une défaillance des mécanismes de transports actifs transmembranaires avec accumulation d’eau, de sodium et de calcium. Finalement, l’hypoxie cellulaire aboutit à une défaillance organique multiple, irréversible si traitée tardivement.

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Sur le plan clinique, le choc initialement compensé est le reflet de : 1) l’activation des systèmes sympathique et rénine-angiotensine-aldostérone et 2) de la libération de cortisol et de l’hormone antidiurétique (ADH). Ces mécanismes temporaires ont pour objectif la redistribution sanguine vers les organes prioritaires et se manifestent cliniquement par une fréquence cardiaque, respiratoire et une contractilité myocardique augmentées. La pression artérielle est normale, voire élevée.

Le choc avéré traduit la défaillance de ces mécanismes de compensation. Il se manifeste par un ensemble de critères cliniques dont la pression artérielle représente l’élément central. Le tableau 2 résume les différents signes d’hypoperfusion clinique.1 Ces signes cliniques pris séparément ont une sensibilité faible et aucun n’est à lui seul un diagnostic de l’état de choc. Associés aux valeurs tensionnelles, ces signes possèdent une sensibilité proche de 100% avec une spécificité de 80%.1 L’hypotension est classiquement définie par une tension artérielle systolique (TAS) ̼ 90 mmHg, une tension artérielle moyenne (TAM) < 60 mmHg ou une chute de la TAS ≥ 40 mmHg par rapport aux valeurs habituelles du patient.

Tableau 2

Critères de choc et d’hypoperfusion

TAS : tension artérielle systolique ; TAM : tension artérielle moyenne.

La valeur pronostique de l’hypotension a été largement étudiée. Aux urgences, l’hypotension isolée (< 100 mmHg) possède une prévalence de 19% et, en soi, est associée à une mortalité de 8%.6 Lorsqu’elle est associée à au moins un signe de choc, cette mortalité augmente à 15%.7 En cas d’infection, la mortalité s’accroît également avec la sévérité de l’hypotension et le taux sanguin de lactates8-9 (≥ 4 mmol/l).

Évaluation initiale diagnostique

L’évaluation clinique initiale vise à rechercher des signes et/ou symptômes permettant de grouper les patients en quatre grandes catégories et, se faisant, d’identifier la cause de l’état de choc. Le tableau 3 propose une classification simple mais pragmatique, tout en sachant qu’il existe des causes mixtes. L’anamnèse doit être rapide et ciblée. Elle doit porter essentiellement sur les antécédents (cardiopathie, immunosuppression…), la prise de médicaments, la possibilité d’une allergie ainsi que le détail et la chronologie des symptômes récents (douleur thoracique ou abdominale, méléna ?) ayant précédé l’état de choc. Les antécédents psychiatriques, souvent le seul indice d’une intoxication médicamenteuse volontaire, ne doivent pas être oubliés.

Tableau 3

Classification clinique des états de choc

A l’examen clinique, les éléments «clés» pour identifier la cause de l’état de choc sont la turgescence jugulaire, l’auscultation pulmonaire (asymétrie des champs pulmonaires, râles crépitants), la découverte d’un souffle cardiaque, les signes d’irritation péritonéale et l’extériorisation de sang. La figure 1 résume, sous forme d’un algorithme, la contribution des signes cliniques à l’identification de l’origine de l’état de choc. Parallèlement à l’évaluation clinique, une prise en charge thérapeutique non spécifique est instaurée.

Figure 1

Orientation clinique d’un état de choc23

ARDS : acute respiratory chest syndrome ; ALI : acute lung injury.

Examens initiaux aux urgences

Différents examens complémentaires vont guider la stratégie de prise en charge. L’électrocardiogramme douze dérivations, rapidement disponible, peut être diagnostique d’emblée10 (STEMI, arythmies) ou orienter vers l’origine de l’état de choc (tamponnade, troubles électrolytiques…). Le tableau 4 résume l’apport diagnostique de l’ECG, de la gazométrie artérielle complète et de la radiographie du thorax couché.11 Les examens sanguins de routine (formule sanguine, ionogramme, enzymes hépatiques, créatinine, urée, coagulation, protéine C-réactive, procalcitonine (PCT)) font partie du bilan initial même si leur apport diagnostique n’est pas connu. La PCT, même si elle n’a pas été évaluée dans une population adulte non sélectionnée (population des urgences), semble prometteuse pour exclure un état de choc d’origine septique (forte valeur prédictive négative).12

Tableau 4

Apports des examens complémentaires

BSA : bloc sino-auriculaire ; BAV : bloc atrioventriculaire.

Évaluation de la volémie et de la fonction cardiaque

Sur le plan hémodynamique seul, les quatre catégories de choc (tableau 2) peuvent se réduire à deux : le choc obstructif qui est une forme de choc cardiogène («obstruction» de l’éjection du ventricule gauche – VG), et le choc distributif qui est initialement un choc hypovolémique. L’obtention de mesures hémodynamiques permettant de discriminer ces deux types de choc et d’adapter le traitement en conséquence est donc essentielle :

  • la pression veineuse centrale (PVC) renseigne sur la pression de remplissage du ventricule droit (VD) et la masse sanguine circulante. Couplée à la mesure de la saturation en oxygène dans la veine cave supérieure, elle permet d’estimer le degré de remplissage et le débit cardiaque ;13

  • le cathétérisme droit par sonde de Swan-Ganz permet de mesurer le débit cardiaque (thermodilution), la pression veineuse centrale, la pression artérielle pulmonaire occluse (wedge) et la saturation en oxygène du sang veineux mêlé de l’artère pulmonaire. Le débit cardiaque est donc mesuré directement alors que la volémie est estimée indirectement ;

  • l’analyse de l’aire sous la partie systolique de la courbe de pression artérielle (pulse contour) et sa calibration par thermodilution transpulmonaire sont des reflets du débit cardiaque (indépendant des variations d’impédance artérielle). On peut aussi mesurer la pression veineuse centrale, le volume télédiastolique global (VTDG) et le volume d’eau pulmonaire extra-vasculaire (EPEV) qui sont des bons reflets volémiques ;14

  • le doppler aortique transœsophagien permet de mesurer le flux de l’aorte thoracique descendante et d’estimer ainsi la précharge, la postcharge et le débit cardiaque.15

Toutes ces techniques permettent de différencier le choc hypovolémique/distributif du choc cardiogène. Elles sont cependant invasives, difficilement utilisables aux urgences et utiles plus pour le monitoring que le diagnostic. En conséquence, les techniques ultrasonographiques dérivées de la cardiologie et de l’échographie abdominale, plus facilement disponibles et utilisables en salle d’urgence, sont devenues les examens incontournables pour l’orientation diagnostique de l’état de choc.

Place de l’échographie

L’échographie de type FAST (focus assessment sonography in trauma ) est validée depuis bientôt dix ans pour le traumatisme abdominal fermé.16 Cette technique, très rapide, permet d’exclure, en cas d’instabilité hémodynamique, une hémorragie péritonéale ou un épanchement péricardique avec une sensibilité proche de 100%.17 On utilise quatre fenêtres d’évaluation : 1) sous-xyphoïdienne pour le péricarde ; 2) axillaire antérieure droite (onzième espace intercostal) pour l’espace hépato-rénal ; 3) axillaire postérieure (dixième espace intercostal) pour l’espace splénorénal et 4) sagittale sus-pubienne pour le pelvis (cul-de-sac de Douglas). On peut rajouter à ce protocole une échographie pleurale,18 de l’aorte abdominale et des voies urinaires hautes.

Le succès de cette technique dans la traumatologie a conduit naturellement à son introduction comme outil diagnostique chez les patients en état de choc sans traumatisme.19,20 Ainsi aux quatre fenêtres du FAST, les protocoles proposent d’ajouter :

  • l’évaluation du diamètre antéro-postérieur de la veine cave inférieure (VCI) proximale (en vue sous-costale longitudinale transhépatique) et la mesure de sa variation respiratoire, qui semble directement corrélée à la pression veineuse centrale (PVC). Le collapsus de la VCI à l’inspiration en respiration spontanée est relié à une PVC basse (< 10 mmHg) dans 89% des cas ;21

  • l’évaluation de l’aorte abdominale par des vues transverses étagées du diaphragme à sa bifurcation ;

  • une extension des vues latérales abdominales vers les bases des plèvres ;

  • l’évaluation de la taille des cavités droites et de la fonction cardiaque gauche.

Cet examen semble pouvoir être maîtrisé par l’urgentiste, au prix d’une formation minime et d’un résultat global satisfaisant.22 En revanche, le bénéfice clinique de l’utilisation de ces techniques aux urgences n’est pas encore démontré. Le tableau 5 résume l’apport de l’échographie à l’état de choc.

Tableau 5

Apport de l’échographie 20

FAST : Focus assessment sonography in trauma ; VCI : veine cave inférieure; VG : ventricule gauche.

Conclusion

L’introduction de l’échographie ciblée, réalisée par l’urgentiste après l’acquisition d’une formation spécifique, représente un progrès indéniable dans l’approche diagnostique de l’état de choc. Ces techniques d’imagerie permettent, avec une bonne fiabilité, de différencier un choc cardiogène d’un choc hypovolémique, ceci restant difficile sur la base des éléments cliniques et paracliniques seuls. Actuellement peu de protocoles existent, et ceuxci doivent impérativement être validés avant leur utilisation systématique en routine clinique.

Implications pratiques

> L’état de choc est grevé d’une mortalité élevée ; sa reconnaissance et son diagnostic étiologique sont difficiles aux urgences

> La recherche étiologique repose sur l’évaluation clinique et sur quelques examens paracliniques rapidement disponibles en salle d’urgence

> Les éléments diagnostiques clés sont l’évaluation de la volémie et de la fonction cardiaque

> En plus des méthodes d’évaluation traditionnelle des paramètres hémodynamiques, l’échographie ciblée semble être l’examen diagnostique de choix

> La performance de l’échographie, et en particulier de l’échocardiographie, doit être validée dans les protocoles de prise en charge des chocs non traumatiques

Auteurs

Majd Ramlawi

Service des urgences
Hôpital de La Tour, 1217 Meyrin/Genève
megane.guillet@latour.ch

Robert Larribau

Service des urgences, Département de médecine aiguë, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
robert.larribau@hcuge.ch

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