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ISO 690 Kiefer, B., Etrange double temporalité, Rev Med Suisse, 2013/385 (Vol.9), p. 1016–1016. DOI: 10.53738/REVMED.2013.9.385.1016 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2013/revue-medicale-suisse-385/etrange-double-temporalite
MLA Kiefer, B. Etrange double temporalité, Rev Med Suisse, Vol. 9, no. 385, 2013, pp. 1016–1016.
APA Kiefer, B. (2013), Etrange double temporalité, Rev Med Suisse, 9, no. 385, 1016–1016. https://doi.org/10.53738/REVMED.2013.9.385.1016
NLM Kiefer, B.Etrange double temporalité. Rev Med Suisse. 2013; 9 (385): 1016–1016.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2013.9.385.1016
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8 mai 2013

Etrange double temporalité

DOI: 10.53738/REVMED.2013.9.385.1016

Les deux mondes évoluent dans des temporalités parallèles, presque sans contacts. L’un se nourrit d’une perpétuelle accélération, l’autre prend son temps. D’un côté, les nouvelles technologies numériques, les machines capables d’intervenir dans le flux des soins, les informations disponibles en ligne : un rythme ultrarapide. Et, de l’autre côté, le système de santé, avec son poids historique et architectural, ses lourdeurs administratives, son personnel attaché à ses prérogatives, ses filières de formation à longue durée. Ici, un monde porté par le désir de la population, par une envie collective d’expérimenter des nouveaux possibles. Là, une médecine concrète qui prend ses précautions, se méfie de l’attraction facile.

Le tempo n’est pas le même, les contraintes non plus : dans le premier système, il est donné par des entreprises n’ayant de compte à rendre à aucun Etat ni personnel, sans foi ni loi – sauf celle de la jungle économique. Dans le second, il dépend d’une pratique soucieuse des personnes fragiles, obligée de gérer des moyens limités.

D’où un sentiment croissant de décalage. Le même, en de nombreux points, que celui qui se creuse entre le monde des enfants et celui de l’enseignement. Les élèves modernes passent leurs journées derrière des écrans, sont continuellement connectés, échangent mille informations sur Facebook, ne cessent d’acquérir de nouveaux savoirs en jouant avec internet. Alors que, de leur côté, les façons d’enseigner et les contenus des cours évoluent à une cadence d’un autre temps. L’école semble se ringardiser. Pour elle, comme pour le système de santé, se pose la question : le rôle de l’institution est-il de s’adapter au rythme imposé par les technologies ou de manifester une contre-culture ? La différence de tempo est-elle une option durable ?

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Dans son édition de vendredi 2 mai, Le Temps présente le nouveau smartphone de Samsung. L’appareil est truffé de nouveaux capteurs. Ses applications visent de plus en plus la santé. Grâce à de petits dispositifs liés aux téléphones, chacun peut déjà mesurer, rappelle Le Temps, sa pression artérielle, sa glycémie ou son taux d’alcoolémie. SmartCardia, start-up issue de l’EPFL, a développé un t-shirt et une ceinture capables de détecter les anomalies du rythme cardiaque. D’autres micro-appareils permettent d’enregistrer un ECG et de le transmettre à son téléphone, qui sert de relais vers des centrales analysant les signes vitaux en temps réel. Un nouveau monde émerge là, sous nos yeux, que déjà les pionniers appellent mHealth, pour mobile health (et pour copier la terminologie Apple).

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Les choses vont encore plus loin avec les systèmes intelligents autonomes développés par Adrien Ionescu (EPFL). Construites grâce aux nanotechnologies, donc très miniaturisées et consommant peu d’énergie, ces petites machines peuvent être implantées en nombre dans les organismes ou incorporées à des vêtements. A quoi les utiliser ? Au diagnostic de situations complexes, à la prévention, à toutes sortes d’interactions entre l’individu et l’environnement. Le marché s’annonce énorme.

Non seulement ces technologies révolutionnent le diagnostic, améliorent la prévention, mais elles changent aussi les besoins des gens, la façon avec laquelle ils conçoivent la médecine et son rôle. Les attentes, certes, trouvent de nouvelles réponses mais, à la fois, ces technologies les étendent, les amplifient. L’univers des besoins entre en inflation.

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En même temps, sous les coups des nouvelles technologies mais aussi, justement, de l’extension des soins possibles et du changement des désirs des gens (qui préfèrent l’ambulatoire), les hôpitaux vivent une crise profonde. On l’observe partout, dans chaque pays occidental, mais la Suisse romande a sa petite histoire à elle, où chaque canton doit se débattre dans des restructurations hospitalières difficiles. Il est de plus en plus évident que l’hospitalocentrisme est en déclin. Le rôle de l’hôpital doit être repensé. Un peu partout, on réorganise avec comme mot d’ordre la continuité des soins. Il s’agit de construire un système territorial d’un nouveau type, l’hôpital n’étant plus qu’une étape dans le trajet de soins. Plusieurs types de réseaux sont expérimentés, selon quantité de modèles. Certains constituent une réponse à une maladie chronique, comme le diabète. D’autres sont plus classiques. Des cantons se lancent dans une reconfiguration complète de leur système hospitalier. Le Valais, par exemple, qui a choisi le modèle d’un hôpital unique mais multisite, avec des maisons de santé dans les vallées, des nouvelles formes de prise en charge des maladies chroniques et quantité d’autres aménagements.

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Mais même cela reste en retrait, pour ne pas dire en retard, par rapport aux technologies numériques. Ce qui frappe, surtout, c’est ce décalage entre la rapidité d’acceptation que les industriels des nouvelles technologies arrivent à obtenir pour leurs innovations, qui sont immédiatement reprises par le public, et la difficulté qu’a la médecine à concrétiser son imagination novatrice. Il faut dire qu’elle subit des contraintes. Elle ne peut pas abandonner, sous prétexte de progrès, les faibles, les vulnérables, ceux qui sont atteints de maladies rares, graves ou incurables. Si le système de santé profite des avancées technologiques, il doit en même temps gérer leur échec, les limites du mythe du progrès : les malades pour lesquels la médecine scientifique, y compris la plus moderne, ne peut rien, les dégénérescences de toutes sortes liées à l’âge, les insuffisances diverses, les incontinences, les troubles psychologiques et somatiques multiformes.

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Entre les multinationales du numérique, comme Facebook, Apple, Google ou Samsung et la médecine, les finalités divergent. Les premières cherchent à séduire les individus, quitte à les aliéner. La médecine vise à les mettre au centre de sa démarche. Les unes vantent une philosophie individualiste – même si l’on parle de réseaux sociaux – alors que l’autre développe une attitude avant tout communautaire, bien que son souci éthique la porte au respect de l’autonomie des patients.

Les multinationales du numérique ont comme but de séduire, d’imposer la voie qu’elles exploitent. Alors que le système de santé n’a pas d’a priori sur les besoins des individus : il écoute leurs souffrances et leurs limitations et tâche d’y répondre. Les concepts qui y ont cours sont ceux d’empowerment ou, plus subtil encore, de health literacy.

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Oui, mais tout cela n’explique pas encore la lenteur de réforme du système face aux rapides modifications techno-sociologiques en cours. Est-elle une forme de négligence ? Relève-t-elle d’inhibitions de la part des soignants qui voient leurs compétences menacées d’obsolescence ? Vient-elle des intérêts multiples des acteurs actuels ? Ou, plus profondément encore, la principale résistance serait-elle celle des citoyens, pour lesquels les hôpitaux sont des églises, plus sacrées encore que celles de leurs religions, parce qu’il s’y vit une anthropologie où ils sont sûrs d’exister pour eux-mêmes, non réductibles à leurs capacités économique ou productrice ?

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Il ne faudrait cependant pas que la résistance se transforme en ressentiment. La médecine n’existe que comme force d’imagination, courage de propositions. Elle ne doit lâcher ni la technologie qui oblige à changer sans cesse ni sa vieille et lente expérience de la vulnérabilité de la vie.

Auteurs

Bertrand Kiefer

Médecine et Hygiène Chemin de la Gravière 16
1225 Chêne-Bourg
bertrand.kiefer@medhyg.ch

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