Sommaire du numéro
ISO 690 Nau, J., Saviez-vous de quel mal souffrait Maximilien de Robespierre?, Rev Med Suisse, 2014/41213 (Vol.10), p. 142–143. DOI: 10.53738/REVMED.2014.10.412-13.0142 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2014/revue-medicale-suisse-412-13/saviez-vous-de-quel-mal-souffrait-maximilien-de-robespierre
MLA Nau, J. Saviez-vous de quel mal souffrait Maximilien de Robespierre?, Rev Med Suisse, Vol. 10, no. 41213, 2014, pp. 142–143.
APA Nau, J. (2014), Saviez-vous de quel mal souffrait Maximilien de Robespierre?, Rev Med Suisse, 10, no. 41213, 142–143. https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.412-13.0142
NLM Nau, J.Saviez-vous de quel mal souffrait Maximilien de Robespierre?. Rev Med Suisse. 2014; 10 (41213): 142–143.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.412-13.0142
Exporter la citation Zotero (.ris) EndNote (.enw)
en marge
15 janvier 2014

Saviez-vous de quel mal souffrait Maximilien de Robespierre?

DOI: 10.53738/REVMED.2014.10.412-13.0142

Robespierre n’est pas le plus aimé des hommes politiques français. Du moins en France. C’est aussi un cas étrange: on sait tout ou presque de sa vie mais on n’en retient que la fin. Il a beaucoup fait souffrir, mais on ignore de quoi il souffrait. Des vieilles leçons d’histoire qu’ils ont été amenés à suivre, les écoliers laïcs français retiennent généralement qu’avec son ami Georges Jacques Danton (1759-16 germinal an II), ce révolutionnaire semble avoir pris un certain plaisir à faire régner la Terreur dans le Paris et la France de la dernière décennie du XVIIIe siècle. Le temps a passé. Et voici qu’une célèbre revue britannique (portant un nom français) vient lever un voile sur le corps de ce démon libérateur.1 Lever un voile ou, au contraire, en jeter un nouveau.

Maximilien Marie Isidore de Robespierre voit le jour le 6 mai 1758 à Arras. Il quittera la vie débarrassé de sa particule, peu après Danton. Cela se passera en public, le 28 juillet 1794 à Paris sur une place fraîchement nommée «de la Révolution». L’homme est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants. Orphelin de mère à l’âge de six ans. Pris en charge par son grand-père maternel, il fait d’excellentes études au collège d’Arras ainsi qu’au déjà célèbre collège Louis-le-Grand de Paris. Il choisit le droit, devient sans mal avocat en 1781. Pressent-il alors quelles causes il défendra?

L’histoire lui tend ses bras. Elu député du Tiers état aux Etats généraux de 1789, Robespierre devient vite l’une des principales figures des «démocrates»; il défend l’abolition de l’esclavage et de la peine de mort, le droit de vote des pestiférés: «gens de couleurs», juifs ou comédiens. On l’entend réclamer le suffrage universel, l’égalité des droits et une réglementation drastique de la Bourse. Son intransigeance agace fort. Est-ce Jean-Jacques qui est passé par là?

Robespierre a bientôt un autre nom, qui fait peur: «l’Incorruptible». Sur sa lancée il doit continuer. S’opposer à La Fayette, soutenir la chute de la royauté. L’heure sonne de la commune insurrectionnelle de Paris. Il en est. Elu à la Convention nationale, il est «Montagnard». Ce qui ne rassure pas. Juillet 1793. L’heure sonne-t-elle du Comité de salut public? Il en est. Participe activement à l’instauration d’un gouvernement révolutionnaire, puis de la Terreur. Insurrections. Guerre civile. L’heure n’est plus vraiment à l’abolition de la peine de mort. Il le fera savoir.

JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI

et j'accède à plus de contenu

Abonnement

100%

Numérique à partir de

CHF 170.-

(pour les médecins)

Abonnement

100%

Numérique à partir de

EUR 150.-

(pour les médecins)

Tout va très loin, trop loin dans ce vieux pays catholique. Robespierre le pressent. Avant la Pâques de 1794, il met un frein à la politique, alors très active, de «déchristianisation». Il fait voter le décret du 18 floréal, an II: «le peuple français reconnaît l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme». Sait-il alors que, réhabilitant Dieu, il signe sa fin?

Attaqué, isolé au sein de la Convention et du gouvernement révolutionnaire, il perd pied. Le chemin de croix ne durera guère. Arrêté avec quelques amis (dont le fameux Saint-Just), il est un instant libéré. Puis déclaré hors-la-loi. Celui qui ne cessait de mordre est blessé à la mâchoire dans des conditions obscures. Vérification d’identité à l’aube. Guillotiné dans l’après-midi du 10 thermidor avec une charrette de vingt-et-un de ses partisans. Acclamations de la foule. Acclamerait-on encore, à Paris, au spectacle des exécutions capitales?

Puis retour de flammes. Dans ce pays qui saigne de partout, voici une «réaction thermidorienne»: démantèlement du gouvernement révolutionnaire et de la Terreur. On connaît plus ou moins la suite.

Le soleil du 10 thermidor de l’an II tombait. Les vingt-deux têtes furent placées dans un coffre en bois, et les troncs rassemblés sur une charrette. On assure qu’on jeta le tout dans la fosse commune d’un méchant cimetière parisien qui n’existe plus. On aurait répandu de la chaux: le corps du tyran devait partir en fumée. On parle encore de cette épitaphe à Robespierre:

«Passant, ne t’apitoie pas sur mon sort Si j’étais vivant, tu serais mort.»

Un demi-siècle ou presque passe. En 1840, le cimetière est fermé aux nouvelles inhumations. On raconte que des partisans de Robespierre fouillèrent le sol. Sans découvrir de corps. La chaux avait fait son effet.

Puis, rebondissement dans les derniers jours du mois de décembre 2013. Voici que The Lancet publie une lettre des Drs Philippe Charlier et Philippe Froesch, deux médecins légistes français.1 Ils nous expliquent en substance avoir travaillé sur un bien étrange masque mortuaire de Robespierre (collection Dumoutier, Musée Granet, Aix-en-Provence). Ils ont aussi consulté des documents historiques et disent entrevoir quels pouvaient être les antécédents médicaux de l’avocat d’Arras. «Charlier et Froesch proposent un diagnostic rétrospectif de sarcoïdose, une maladie auto-immune rare où le corps commence à attaquer ses propres tissus et organes» résume le service de presse du Lancet, heureux de cette bonne fortune.

Les auteurs recensent différents signes cliniques décrits par des contemporains: des problèmes de vision, des saignements de nez («il a couvert son oreiller de sang frais chaque nuit»), un ictère («de couleur de peau et yeux jaunes»), une asthénie («fatigue continue»), des ulcères de jambe récurrents, des lésions dermatologiques du visage souvent associées à des cicatrices d’une précédente infection variolique. Il avait aussi les yeux et la bouche comme animés de contractions permanentes. Certains de ces symptômes semblent s’être aggravés entre 1790 et 1794.

Au total, ils posent donc un diagnostic rétrospectif: une sarcoïdose diffuse avec des manifestations ophtalmiques, d’autres du tractus respiratoire supérieur ainsi que du foie ou du pancréas. «Nous ne savons pas quel traitement a été prescrit par Joseph Souberbielle, son médecin personnel, mais la consommation de fruits en aurait fait partie (au vu notamment de sa très grande consommation d’oranges) associée à des bains et à des saignées» écrivent les deux auteurs de la courte lettre. Humour ou pas, ils précisent que la pathologie dont il souffrait n’a pas joué de rôle dans sa mort. De fait, il est assez rare que la maladie (sauf mentale) ait un rôle direct dans une exécution prononcée par la justice.

Diagnostics différentiels rétrospectifs sont ici évoqués: tuberculose diffuse (mais absence de toux, de fièvre, de polyadénopathies et de signes pulmonaires); maladie granulomatose de Wegener, lèpre, hémochromatose (mais pas de notion de population à risque) et sclérodermie.

Sarcoïdose donc, ou lymphogranulomatose bénigne ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann. Un triumvirat en l’honneur du dermatologue français Ernest Henri Besnier (1831-1909), du dermatologue suédois Cæsar Peter Møller Boeck (1845-1917) et de son confrère Jörgen Nilsen Schaumann (1879-1953). Ce dernier parlera de lymphogranulomatosis benigna pour la distinguer du lymphome de Hodgkin. Les deux auteurs prennent soin, dans leur lettre au Lancet, de rappeler le rôle d’un pionnier. Il se trouve qu’il était britannique, et plus précisément anglais: Sir Jonathan Hutchinson (1828-1913). Il publia le premier sur le sujet en 1877, et ce n’était pas dans The Lancet.2 Le célèbre hebdomadaire existait pourtant déjà. Il avait vu le jour le 5 octobre 1823. Soit précisément deux ans et cinq mois après la mort – toujours plus ou moins mystérieuse3 – de Napoléon.

Auteurs

Jean-Yves Nau

jeanyves.nau@gmail.com

Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.

Voir le Panier

Mot de passe oublié

Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe

Un e-mail a été envoyé à votre adresse email. Suivez les instructions fournies pour réinitialiser votre mot de passe

Aucun compte n'est associé à cette adresse e-mail.

Nouveau mot de passe

Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici

Votre mot de passe a bien été modifié!

Cliquez ici pour vous connecter

Nous ne sommes pas en mesure de changer votre mot de passe.

Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.

Paramétrer les cookies
  • Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.

  • Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse

  • Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.

  • Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.